Celles et ceux qui suivent les péripéties marseillaises de la blogosphère savent qu'en raison de travaux à répétition depuis 150 ans, on va encore déménager, cette fois-ci le Tribunal d'instance de notre ville.
On va l'installer dans une caserne désaffectée d'allure extérieure superbe, appelée du MUY. C'est à coté de la gare Saint-Charles, dans un quartier pas bien sympathique, loin en tout cas du quartier de la justice marseillaise.
C'est provisoire jusqu'à la fin de 2014. Mais vous savez ce que c'est le provisoire français, c'est du solide. Il est évident que ça durera davantage.
Une journaliste de LA PROVENCE, que je n'ai pas l'honneur de connaître jusqu'ici (mais enfin Denis, pourquoi ne me présentes-tu pas tes collègues de qualité) nous explique tout cela dans le journal de ce jour.
Elle nous apprend ce que lui a dit le propre président du Tribunal de grande instance.
Ce bâtiment, magnifique par ailleurs (style et époque NAPOLEON III) ne sera pas appelé « caserne du Muy », mais « palais BUGEAUD ».
C'est à l'évidence parce que la caserne du Muy est ... 21 rue Bugeaud.
Je suis aux anges. Mais alors aux anges. Si vous saviez.
Oui, d'abord parce que je prouve que je suis capable d'apprécier un haut magistrat et de l'écrire publiquement.
Ensuite, parce qu'on ne peut ignorer.
On ne peut ignorer qui était Thomas Robert BUGEAUD, marquis de la Piconnerie, duc d'Isly, maréchal de France (1784-1849). Vous savez, la casquette.
Il fut le grand colonisateur de l'Algérie française, qu'il pacifiât.
ENSE ET ARATRO était sa devise. Par l'épée et par la charrue.
Il combattit les Marocains, et eut leur défaite à la bataille d'Isly. C'est à deux pas d'OUJDA (frontière marocaine)
ALGER, la plus belle rue d'Alger la blanche et la française, coloniale, colonialiste même si vous le voulez, la rue d'Isly.
Celle où plus tard, l'armée française tuera par dizaines et de sang froid, mes frères et soeurs qui criaient "Algérie française" avant de venir nous soutenir dans la Bab-el-Oued assiégée par les memes mlilitaires. C'était le 26 mars 1962.
Au milieu de la rue d'Isly, trônait, place d'Isly, devant le quartier général, jusqu'en 1962 la statue en pied du maréchal BUGEAUD.
Il fallut bien la transporter en métropole en toute hâte après l'odieux abandon des départements français d'Algérie et du Sahara et la trahison des pieds-noirs (moi compris bien sur).
Merci, Monsieur le président, pour au moins quelques heures, avant que sous des pressions ignobles on vous demande de faire changer le nom du palais BUGEAUD, j'ai revécu l'histoire d'une partie de ma famille. Ceux qui ont servi sous ses ordres dans l'armée d'Afrique.
Et moi mon enfance.
Quand je passais devant la statue du maréchal colonisateur, place d'Isly.
Et mon adolescence, oui quand on allait à BUGEAUD.
Le plus grand lycée de l'Algérie française, un des plus grands de France.
A l'entrée de Bab-el-Oued. Le lycée BUGEAUD qui a produit deux prix NOBEL, Albert CAMUS (littérature, 1957), Claude COHEN TANUGGI (physique, 40 ans plus tard, 1997).
Où enseignèrent Fernand BRAUDEL (L'identité de la France) et bien d'autres plus tard, moins célèbres mais au moins, ceux-là je les ai connus).
Maintenant, je suis inquiet.
Oui, parce que BUGEAUD et l'Algérie française n'ont pas bonne presse : la statue du maréchal a été exilée dans un patelin de Dordogne, le seul qui l'ait réclamée en 1962, personne n'en voulait. C'est à EXCIDEUIL.
A sa place d'ALGER, on a installé une (petite) statue de l'émir ABDELKADER, petite peut être parce qu'à la fin de sa vie, l'émir était devenu l'ami de NAPOLEON III et celui de la France.
Initié à la franc-maçonnerie, il s'était retiré en Syrie, et avait décliné l'offre de l'empereur de créer pour lui sur place un grand royaume arabe, contre les Ottomans. Le Baass cinquante ans en avance. NAPOLEON III, le visionnaire.
Et puis dans l'Algérie indépendante de 1962, on a donné à la hâte le nom d'Emir ABDELKADER au Lycée BUGEAUD.
Ainsi va l'histoire.
Elle va d'ailleurs ainsi si curieusement -sachez le- qu'un ami, député Kabyle à l'Assemblée nationale algérienne, ancien élève du Lycée ABDELKADER après 1962, m'a confié qu'on continuait à l'appeler: « Lycée BUGEAUD ».
Alors, je vous demande de tenir bon.
Oui au "Palais BUGEAUD". Ne permettez surtout pas qu'on le change en « Palais Emir ABDELKADER ».
Bien qu'à MARSEILLE, le nom de BUGEAUD soit associé désormais à la seule gloire de la justice d'instance. Certains diront alors que c'est simplement une gloriette.