Kamel DAOUD, polémiste et journaliste au Quotidien d’ORAN, invité à la radio ces jours-ci nous a incités à relire L’Etranger d’Albert CAMUS, avant de lire son roman sur la contre-enquête qu’il fait du dossier Meursault. J’y reviendrai.
Avant d’aller plus loin, je retiendrai des petites choses, qui touchent avant tout ma sensibilité.
Kamel DAOUD est fils de gendarme, comme Hubert HUERTAS, qui tient la rubrique politique de FRANCE CULTURE, et a dû inviter DAOUD.
Je n’ai pas connu le père de l’Algérien, mais je connaissais parfaitement celui d’HUERTAS comme lui aussi un peu, il était jeune, et aussi son frère Jean-Claude, qui était mon meilleur ami (nous étions tous trois au même Lycée à Bab-el-Oued).
DAOUD a été précédemment aussi invité par Jean-Pierre EL KABBACH à l’émission littéraire du Sénat. EL KABBACH est Oranais, comme lui.
Le pied noir ressort lorsqu’il dit à DAOUD dans la bibliothèque du Palais du Luxembourg ces petits mots furtifs :
« Mais alors, vous nous regrettez ».
C’est le nous qui est important, bien sûr.
Revenons à CAMUS.
Son MEURSAULT, qui vit à ALGER, rue de Lyon, dans un immeuble sous les arcades, dans le quartier de Belcourt, à côté du Champ de Manœuvres, a un nom qui rappelle le vignoble. Le père de CAMUS était employé de la maison RICOME, qui gérait un domaine vinicole important ; mon grand-père maternel avait le même patron.
Quand nous étions étudiants à Sciences-po, je me souviens de ce qu’avait dit en conférence de méthode un jour Eddy BALDO, étudiant comme moi, devenu ensuite avocat à AIX EN PROVENCE (il y est toujours).
Telle enseignante lui avait demandé de résumer la philosophie de CAMUS. Elle ne savait pas qu’Eddy était pied noir et de Belcourt.
Il lui avait répondu que CAMUS, c’était tout simplement la pensée de Belcourt.
La pauvre, elle n’avait rien compris.
Et pourtant, comme il était dans le vrai, Eddy.
MEURSAULT a tué l’Arabe, il n’a pas plaidé la légitime défense, il s’est en fichu.
Il a été indifférent. C’est lui l’étranger. La Cour d’assises d’ALGER l’a condamné à mort. Auparavant voici ce qu’il a dit du jury :
« Tous me regardaient, j’ai compris que c’étaient les jurés. Je ne peux pas dire ce qui les distinguait les uns des autres ? Je n’ai eu qu’une impression : j’étais devant une banquette de tramway et tous ces voyageurs anonymes épiaient le nouvel arrivant pour en apercevoir les ridicules. »
En fait, tout a été dit à la première phrase « Aujourd’hui, maman est morte ».
Cette maman là, ce n’est pas celle de CAMUS, Catherine SINTES, l’illettrée, qui décédera 20 ans plus tard. Cette maman-là, c’est bien longtemps sans doute avant justement 20 ans plus tard, c’est la mort des Français d’Algérie.