Faisons simple. Presque toutes sauf une juridiction de l’Etat français ont un greffe public, d’Etat, géré par des fonctionnaires de l’Etat. C’est le pouvoir régalien de celui-ci. Principe même pas républicain : principe fondamental de la notion même d’Etat. La justice étant l’une des prérogatives de l’Etat.
Qu’on n’aille pas objecter que certaines juridictions n’auraient pas de juges d’Etat, ce qui justifierait le greffier privé. Voyons, il n’y a aucun juge professionnel au conseil de prudhommes, et pourtant le greffe de la juridiction est d’Etat. Il en est de même au tribunal des affaires sociales, là où la composition de jugement est échevinée.
Prenons maintenant les prisons.
Voici le lieu suprême où s’exercice la puissance de l’Etat. Seul l’Etat peut priver de liberté le citoyen. Et lorsqu’il devient détenu, le citoyen a encore des droits. Qu’il exerce au greffe de la prison. A ce sujet le Conseil constitutionnel a déjà statué.
Indirectement, mais indiscutablement, lorsque par sa décision n°
2002-461 DC du 29 aout 2002, il statuait sur la loi d’orientation
et de programmation pour la justice. Il a ainsi pu valider l’art. 3
de cette loi modifiant l’art. 2 de la loi du 22 juin 1987 sur le
service public pénitentiaire, mais à la condition qu’il soit ainsi rédigé :
« « 1er alinéa. Par dérogation aux dispositions des articles 7 et 18
de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise
d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'œuvre
privée, l'Etat peut confier à une personne ou à un groupement de
personnes, de droit public ou de droit privé, une mission portant à
la fois sur la conception, la construction et l'aménagement
d'établissements pénitentiaires. Cette mission peut en outre porter
sur l'exploitation ou la maintenance d'établissements
pénitentiaires, à l'exclusion des fonctions de direction, de greffe
et de surveillance.
(…)
« « Dernier alinéa. Dans les établissements pénitentiaires, les
fonctions autres que celles de direction, de greffe et de
surveillance peuvent être confiées à des personnes de droit public
ou de droit privé habilitées, dans des conditions définies par un
décret en Conseil d'Etat. Ces personnes peuvent être choisies dans
le cadre des marchés prévus au deuxième alinéa. » »
C’est le rédacteur du présent billet qui a souligné : le greffe, la fonction de greffe, ne se délègue donc pas.
Alors, il reste les greffiers des tribunaux de commerce, dont le caractère privé n’est défendu sérieusement par personne car personne ne peut l’expliquer. Ni par Monsieur ATTALI (que de fois l’ai-je écrit), que par le premier président Guy CANIVET, membre par ailleurs du Conseil constitutionnel, lorsque dans une étude parfaitement publique de 2011 (on la trouve sur Internet), il exprimait ceci en termes choisis et délicats, mais bien compréhensibles par tous :
« Singulièrement, en matière de justice, la distance entre l’interdiction de l’exercice par des personnes privées des fonctions indissociables de la souveraineté de l’Etat et la réalité qui révèle que nombre des taches judiciaires ou parajudiciaires sont exécutées par des opérateurs privés, sans toujours que la rationalité des choix de délégation, souvent historiques, soit explicite. »