Ceci est la suite de mon billet du vide juridique, dans l’hypothèse où le bâtonnier en charge de la fixation des honoraires, impayés ou contestés, de l’avocat ne statue pas ou, pire statue mal. On est aussi dans l’hypothèse dans laquelle, si on peut considérer qu’il est un vrai juge, il n’est pas alors porteur de deux des trois choses fondamentales exigées du juge. Suivant, je le rappelle ici , le contenu de la question prioritaire de constitutionnalité de cette trilogie, que j’ai eu l’honneur de plaider devant le Conseil constitutionnel, sur renvoi de la chambre commerciale de la Cour de cassation : la compétence, l’indépendance, l’impartialité.
Pour la compétence, il n’y a pas de problème. Pour les deux autres qualités, il existe un gros problème.
Car ne détaillons pas trop, et faisons facile, le bâtonnier peut être l’ennemi de l’avocat ou du client, ou, au contraire ami de l’un ou l’autre. Et alors, son appréciation sera faussée.
Existe-t-il une solution de sortie ? Peut-etre.
Je constate alors, avec bonheur, que je suis lu jusqu’à la frontière du Laos, au nord-est de la Thaïlande, où vit, retiré, mon camarade de faculté et vieil ami, Bernard de GUILHERMIER, lui qui fut bâtonnier du barreau des Alpes de Haute Provence, et qui m’a meme répondu. Salut Bernard.
Il me commente et dit que du temps qu’il était à ces affaires là, dans ce genre de situation, il donnait délégation à quelqu’un d’autre.
Le geste était louable.
L’ennui, c’est le geste supposait alors l’absolue honnêteté de principe, aussi intellectuelle qu’autre chose du bâtonnier, celles de mon ami n’étant évidemment pas en cause (encore qu’il fut mon ami, justement, on aurait pu dire…) ce qui supposait, mécaniquement aussi, la possibilité de principe de pouvoir le récuser.
Or, la récusation n’a pas été prévue en pareille matière, privant donc le justiciable- avocat, comme le justiciable- client, d’un degré de juridiction, si le bâtonnier est considéré comme un juge.
Au demeurant, bien que par principe, il soit compétent, indépendant et impartial, la récusation permettant d’aller directement devant lui, pour vérifier uniquement la question de la récusation, aboutirait simplement à une impasse, car le juge de la récusation, ne pourrait pas renvoyer devant quelqu’un d’autre … que le bâtonnier.
Alors que la récusation est possible contre le juge d’appel de la décision du bâtonnier. Même si le juge d’appel n’aime pas.
Encore qu’il n’y a bien si longtemps, j’ai eu l’exemple extraordinaire d’un confrère et ami qui, après avoir récusé le juge d’appel de l’honoraire, après que cette récusation a été rejetée par la Cour, a vu sa demande de réformation d’une décision de fixation de ses honoraires par son bâtonnier (que ce dernier avait divisée par cinq ou six), annulée et sa réclamation intégralement rétablie. Chapeau le juge.
Et puis, parlons franc. Le barreau est un champ de bataille d’entreprises individuelles du droit, concurrentes, économiquement ou politiquement puisque l’institution est démocratique et connait les élections. Les règlements de compte y sont bien connus. Je sais.
Mais revenons à Bernard de GUILHERMIER.
Tout est régi par les articles 21 de la loi de 1971 et 7 du décret de 1991.
L’art. 21 ne prévoit apparemment la délégation des pouvoirs du bâtonnier que dans le cas où il est en charge de traiter un différend entre confrères. Tel n’est pas le cas dans l’hypothèse de la fixation des honoraires de l’avocat contre le client ou à la demande de celui-ci. En ce cas, alinéa 2 de l’art. 7 du décret la délégation est subordonnée à l’établissement d’une liste annuelle, dressée après délibération du conseil de l’ordre. Mais, une fois encore, on est dans le cas précis du contentieux entre confrères.
Alors, il reste le premier alinéa de l’art. 7 du décret, qui prévoit la délégation de pouvoirs au vice bâtonnier évidemment s’il en existe un, ainsi que pour un temps limité, à un ou plusieurs autres membres du conseil de l’ordre. Ça veut dire quoi « un temps limité » parce qu’il s’applique en cas d’absence ou d’empêchement temporaire. Ainsi rédigé, le texte parait concerner une simple notion temporelle, et pas matérielle.
La délégation ne peut donc concerner que l’hypothèse dans laquelle le bâtonnier part en vacances loin du barreau, ou est à l’hôpital, en opération et en post –opératoire. Je n’imagine pas, on va encore dire que je suis désagréable, l’hypothèse de l’empêchement parce que le bâtonnier est en garde à vue ou en prison.
Bref, la solution Bernard de GUILHERMIER, pardon Bernard, est tordue.
La solution à laquelle tel autre confrère ami, célèbre et membre de la commission des lois de l’Assemblée nationale, lui-même victime pendant des années des choses des bâtonniers (et d’anciens membres du conseil de l’ordre que celui-ci a désignés dans ses commissions d’honoraires derrière ou devant lui, on ne sait jamais en vérité), je n’écris pas tout ce que je sais, est peut être toute simple.
En l'état des choses actuelles, elle ne consiste pas à créer un binome sexuel de la fonction d'avocat, oui un batonnier qui exercerait cette fonction par deux personnes physiques, un homme et une femme. Puisqu'il semble impossible de savoir si cette interprétation de l'ordonnance de juillet 2015 est la bonne. Dommage, car le co-batonnier pourrait passer l'affaire à l'autre ou mieux encore, il faudrait en toute chose une décision qui, pour etre valable, serait le fait de des deux co-batonniers, l'homme et la femme.
Alors, elle consisterait à faire, au moins, comme le suggère l’art. 175 du décret, qui dispose que lorsque la contestation porte sur les honoraires du bâtonnier, c’est le président du Tribunal de grande instance qui statue à sa place.
La récusation motivée du bâtonnier serait alors possible devant ce magistrat, lequel aurait, au cas où il la retiendrait, la prérogative de statuer au lieu et place du bâtonnier, à charge d’appel. Et ce dernier, pourrait tout revoir, d’en haut.
C’est tout simple, non ?