Alors voilà, il parait que, dès lors que le nouveau Tribunal de grande instance de Paris, aux Batignolles ne sera finalement pas gardé comme le palais actuel, dans l’île de la Cité, par les gendarmes, mais par des policiers, il faut en changer les plans. Il faut ajouter des vestiaires pour 400 personnes (il parait que seuls les gendarmes, initialement prévus pour la mission, arrivent en uniforme et n’ont, eux, pas besoin de vestiaires). La plaisanterie coutera d’après le Canard enchainé 20 millions d’euros. Au point où on en est …
Du coup, je me pose la question de savoir si on a aussi prévu des vestiaires pour les confrères.
J’imagine que non, compte tenu du nombre et du prix.
HUVELIN qui connait bien la question me répondra.
C’est qu’au surplus, il faudrait des vestiaires pour les Parisiens et les autres, si nombreux. Tiens, au passage, voici un argument de plus pour la suppression totale de la postulation locale et l’arrivée du grand barreau de France, sans rattachement à un Tribunal de grande instance déterminé.
Et puis, du coup aussi, coup de blues à la messe de feu Paul LOMBARD, qui fut mon génial maitre de stage, je me rappelle de ma jeunesse. Un temps où les avocats, même les stagiaires, avaient droit à un vestiaire au sous-sol du Tribunal de grande instance ici à Marseille.
Moins chics qu’à Paris, on appelait ça des casiers.
Je me souviens, c’était en bois, avec une porte fermant à clé, une tringle dedans et au-dessus une étagère pour y mettre ce qu’on voulait, y compris sa toque. J’en parle d’autant plus volontiers qu’en ce temps-là (c’est l’effet « évangile » à la messe), mon casier était voisin de celui d’un très vieux confrère (évidemment ad patres depuis une éternité), qui plaçait dans le sien robe et toque.
Evidemment, officiellement pour des travaux (DIEU que de travaux on aura faits au palais de justice de Marseille, mal conçu sous NAPOLEON III, avec des pieux en bois, il s’est enfoncé pendant des décennies) on nous a, un beau jour, supprimé nos casiers, jamais remplacés depuis lors.
Même disparus, ces casiers ont au demeurant eu la vie dure, découverte par le Conseil de la concurrence (aujourd’hui l’Autorité de la concurrence). C’est lorsque je l’avais saisi, bien plus tard, pour entrave au marché de l’assurance de R.C.P. des avocats. Il y avait à l’époque un bâtonnier corse et un peu communisant (on sait qu’à part un ou deux, je n’ai jamais aimé du tout les bâtonniers, alors un communisant, vous imaginez).
Lequel avait décidé de nous imposer une augmentation de la prime collective obligatoire de R.C.P. en fonction de nos bénéfices ; j’avais sonné alors le clairon de la révolte, et nombre de ceux qui me toisent aujourd’hui en vertu de leur déontologie, à la noix de… coco, avaient été bien contents de me trouver.
Parce que j’avais porté plainte rue de l’Echelle – siège de l’Autorité de la concurrence pour ceux qui ne savent pas- contre le refus des compagnies de nous assurer hors la collectivité.
Finalement, tout était rentré dans l’ordre social et raisonnable, mais l’affaire avait tout de même été audiencée.
Allez chercher sur le site Internet de l'Autorité les décisions rendues sous la rubrique assurances barreau de Marseille.
Car de rage, le Conseil de la concurrence avait trouvé entre autres choses alors un machin qui m’avait échappé : de force, le barreau de Marseille nous obligeait aussi à assurer collectivement le vol de nos robes dans vestiaires, qui n’existaient plus depuis des années.
Il y avait même eu une suite fâcheuse, car de fausses déclarations complémentaires avaient été faites par un autre bâtonnier à l’enquêtrice venue s’assurer de ce qu’on avait rétabli la paix de l’assurance collective marseillaise.
Sauf qu’il avait menti, ce qui avait donné lieu à de nouvelles poursuites auto-décidées par le Conseil de la concurrence et à une amende de 50.000 € sous le règne d’un troisième bâtonnier, que la Cour d’appel de Paris avait confirmée (l’amende, pas le bâtonnier).
Cette histoire de vestiaire avait aussi donné lieu à un billet dans La Semaine juridique, où il tenait rubrique sur les avocats, du regretté bâtonnier Raymond MARTIN (celui de Nice, car coïncidence, nous en avons eu un aussi à Marseille qui s’appelait pareil). Un peu comme le blog des temps modernes.
Je me souviens –mais c’est une autre histoire – ce qu’il avait écrit à propos d’une affaire d’honoraires me concernant, l’ex-cliente refusant de payer la vérification qui en avait été faite, et soutenant en appel qu’elle ne devait pas parce qu’étais misogyne.
Ce à quoi le premier président lui avait répondu que la preuve de ma misogynie n’était pas rapportée et qu’en tout état de cause, meme si avait été établie, elle était sans rapport avec la qualité de mon travail. Il avait confirmé.
Le mot de la fin a peut-être été donné, sans le vouloir par notre confrère, mon ami Bruno LOMBARD à Saint-Victor, rappelant (j’avais oublié) que son père, Paul LOMBARD, n’avait jamais de robe sur lui – je me souviens que la sienne était toujours au bureau – et qu’il en louait régulièrement aux conciergeries des palais, quand elles existaient encore.
Pourquoi le mot de la fin ? Parce que dès lors qu’il n’y a plus de vestiaires, pour la ranger après notre action judiciaire, il est impossible et alors inutile que nous portions une robe.
L’alpha et l’oméga sont réunis.