Voici que le président turc reste dans son impeccable logique, la reconstitution de ce qu’il peut faire de l’ancien empire ottoman.
Oubliés SEVRES et même LAUSANNE. Mais c’est seulement en Asie. ERDOGAN le fait en inventant maintenant le projet de force inter arabe de défense de GAZA.
C’est en réalité, un projet musulman, et non arabe, puisque pas plus les Turcs que les Perses ne sont arabes. Quant aux Perses, ils sont chiites à la différence de pratiquement tous les autres, qui sont plus ou moins sunnites.
C’est un peu comme si on était revenu au traité de SAN STEFANO (aujourd’hui, c’est le quartier de YESILKO, dans la partie européenne d’ISTANBUL, exactement à l’emplacement de son aéroport Atatürk).
Pour la Turquie, les territoires d’Europe sont alors définitivement perdus.
Le problème arménien est définitivement réglé par le génocide de leur peuple, dans l’indifférence la plus totale. Idem avec les Grecs pontiques. Les Kurdes sont sous contrôle.
Les territoires de l’Afrique du nord de jadis sont antérieurement perdus. Ils sont désormais hors d’atteinte. De même que la Libye et l’Egypte, cette dernière passée entretemps dans les mains des Anglais. Maintenant des Américains.
L’ogre russe surveille tout cela. Il a ses protégés arméniens, mais les Arméniens, c’est quantitativement rien du tout.
Il reste quoi, alors ?
La Mésopotamie, lisez l’Irak, avec ses déchirements, et surtout son pétrole, les vues sur la Syrie, voire le Liban, le Hedjaz, lisez la Jordanie. Bon, l’Arabie et les émirats, malgré le pétrole, c’est désormais trop loin.
Et puis, il y a la Palestine, lisez Israël. Ah, si on pouvait engager, comme dans une procédure de droit civil en résolution de la vente des terrains de Palestine faite jadis aux Juifs par les sultans de CONSTANTINOPLE…
Le seul hic de l’affaire, c’est l’Iran. Parce que le Perses détestent les Turcs, jadis sous leur autorité. Sauf que les Américains font tout pour les humilier,
A ce propos, je rappelle un mien billet de décembre dernier, à peine.
Le milliardaire arménien Calouste GULBENKIAN, découvreur de pratiquement tous les pétroles du Proche-Orient, avait évidemment lié en conséquence des liens étroits avec tous les grands Etats de l’époque.
Francophile, sans doute par intérêt aussi, il était ainsi devenu l’ami d’Alexis LEGER, secrétaire général du quai d’Orsay, dans les années 30.
Plus tard, Alexis LEGER prendra le nom de SAINT JOHN PERSE, et recevra le prix Nobel de littérature.
Encore sous le nom de LEGER, il vivait aux Etats unis dans les années 50, certainement en difficultés financières, peut être en froid avec les milieux politiques français.
A ce qu’on sait, les liens des années 30 entre les deux hommes avait conduit GULBENKIAN à aider financièrement son ami.
Une correspondance nourrie a suivi entre les deux hommes, qui commença en 1946 et prit fin en 1954, lorsque GULBENKIAN est mort. Les cahiers de la N.R.F. chez GALLIMARD l’ont publiée.
Grand connaisseur du Proche Orient, au point que William SAROYAN, le célèbre romancier américain, né de parents arméniens installés en Californie, l’avait surnommé l’Assyrien, GULBENKIAN connaissait encore mieux la Perse.
Qu’on appelle l’Iran aujourd’hui. Il avait même été ambassadeur de Perse à PARIS.
Répondant à Alexis LEGER, dans une lettre de juin 1951, il écrit ceci :
« Vous faites allusion à la crise au Proche-Orient (1). Sans aucun doute, elle me préoccupe beaucoup.
Je ne possède pas d’intérêts matériels en Iran, mais la crise actuelle se maintient et s’affirme, le malaise se propagera à tous les pays avoisinants, avec les conséquences que je n’ai pas besoin de vous expliquer.
Je vous avouerai que l’attitude américaine me cause une surprise profonde : floue, incertaine, elle semble manquer complètement de franchise et de sincérité et, surtout, d’esprit de coopération dans le plus large sens. On en vient à penser que toutes ces manigances cachent des desseins suspects.
Les informations qu’elles soient officielles ou officieuses, sont contradictoires, et malgré toute la sympathie que je porte aux Américains, je ne puis m’empêcher de croire qu’il existe dans toutes ces questions du proche Orient et d’Iran, des motifs très douteux.
Politique désastreuse d’ailleurs, et responsable de l’état maladif qui prévaut un peu partout.
Et GULBENKIAN d’ajouter :
« ‘Les Iraniens font les bravaches, des influences morbides sont en jeu.
Sans doute avez-vous lu dans les journaux que le gouvernement iranien m’a relevé après trente ans de mes fonctions de conseiller économique honoraire. Cela ne m’affecte aucunement, mais c’est un exemple parmi tant d’autres de leur xénophobie fanatique. Où cela les mènera-t-il ? »
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GULBENKIAN parlait le français à l’ancienne, en français. Donc du Proche-Orient et non du Moyen-Orient.