On sait, et je suis au moins celui qui le combat, que les CARPA contrôlent le fonctionnement des comptes clients des avocats.
Pire, depuis que Marseille qui heureusement a tenu tète pendant des dizainiers d’années avant de capituler récemment, les opérations ne sont plus placées sous la responsabilité directe des avocats concernés (titulaires d’un chéquier sous la délégation de signature du bâtonnier) mais sous celles des caisses.
Avec et y compris pour le paiement des honoraires des confrères, qui doit etre vérifié préalablement aux opérations à réaliser, par leurs pairs élus.
Un procès est pendant devant la Cour d’appel d’Aix en Provence.
Celle-ci a refusé de traiter une Q.P.C. sur le sujet, considérant, si on l’a bien comprise, que la matière était réglementaire. De fait, les dispositions critiquables sont dans le règlement. Et l’affaire n’est pas terminée.
Puisqu’on est dans le règlement, restons y et voyons ce que pense le Conseil d’Etat du sujet.
Il s’exprime dans un long arrêt du 24 mai 2017 (N°398801) au Lebon, et au rapport public de Madame Suzanne VON COESTER.
Il traite des recours regroupés du conseil national des greffiers des tribunaux de commerce, du syndicat national des notaires, du conseil supérieur du notariat, de l’union nationale des huissiers de justice, du conseil national des administrateurs et des mandataires judiciaires contre des dispositions réglementaires issues de la première loi Macron pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. Le Conseil d’Etat annule la disposition prévoyant le transfert à l’autorité de tutelle des données recueillies localement, départementalement et régionalement par des membres de ces professions en activité.
On passe sur les détails spécifiques à ces professionnels.
On retient surtout le cœur de la décision, exprimé à son 17ème considérant.
« « 17. Considérant qu'eu égard à l'intérêt qui s'attache à ce que la détermination de ces tarifs prenne en compte la réalité des coûts engendrés par les prestations qu'ils concernent et du fonctionnement économique des offices et études dont ils sont destinés à assurer, par péréquation et redistribution, une rémunération raisonnable, la liste des informations recueillies prévue par les articles R. 444-17 à R. 444-20 du code de commerce ne porte pas au secret industriel et commercial une atteinte disproportionnée ; qu'en revanche, eu égard, d'une part, à la composition des instances professionnelles représentatives, qui réunissent, en particulier au niveau départemental et régional, des membres de ces professions en activité dans le même ressort géographique que celui des offices et études faisant l'objet du recueil de statistiques, et, d'autre part, au contenu des informations recueillies, qui portent sur la situation économique et financière des offices et études, tant en ce qui concerne les prestations réglementées que les actes concurrentiels, et sont susceptibles de révéler ainsi leur santé financière ainsi que leur stratégie commerciale, le recueil de ces informations par les instances professionnelles est de nature à porter une atteinte disproportionnée au secret industriel et commercial ; que, par suite, les requérants sont fondés à soutenir qu'en prévoyant que ces informations peuvent être transmises aux ministres de la justice et de l'économie et à l'Autorité de la concurrence par l'intermédiaire de ces instances professionnelles et en se bornant à renvoyer à un " arrêté conjoint " la définition des modalités de cette transmission sans l'assortir de garanties, l'article R. 444-21 du code de commerce porte au secret industriel et commercial de ces professions une atteinte disproportionnée ; que cette disposition est divisible des autres dispositions du décret attaqué ; que, par suite, le décret attaqué doit être annulé en tant qu'il a introduit dans le code de commerce l'article R. 444-21 » ».
C’est moi qui a souligné.
Le parallèle de la critique du Conseil d’Etat avec la situation des CARPA est évident. Car ce sont bien des confrères en activités dans le même ressort territorial qui examinent, pire qui contrôlent AVANT même les opérations ce que les titulaires des sous-comptes d’avocat demandent.
J’insiste sur le AVANT : car il peut etre normal de penser à un APRES, dans l’hypothèse d’un abus de l’avocat.
Mais la situation que je dénonce et devant laquelle toute notre profession est comme d’habitude béate, stupide et sans réaction, est sa collectivisation acceptée par un contrôle préalable des opérations financières. Réalisé c’est un comble, par les concurrents des avocats concernés.
La Cour d’appel doit avoir le courage de renvoyer la question préjudicielle au Conseil d’Etat. Qui connait bien la matière, on le voit.