On est à l'exact moment où la Cour européenne des droits de l'homme a rendu le 11 février 2014, l'arrêt MASIREVIC contre SERBIE N° 30671/08. Voici le communiqué de presse en français par la juridiction :
« Le requérant Milan MASIREVIC est un ressortissant serbe, né en 1940, résident à SOMBOR. Il exerce le métier d'avocat. En juillet 1998, il engagea une action civile afin d'obtenir le paiement par une compagnie d'assurance privée d'honoraires pour ses services. L'affaire parvint jusqu'à la Cour suprême, qui rejeta son pourvoi au motif qu'il ne pouvait se représenter lui-même, mais devait être représenté par un avocat, même s'il était lui-même avocat.
Invoquant l'art. 6 et le droit d'accès au tribunal, Monsieur MASIREVIC se plaignait de ce que l'interprétation, selon lui excessivement stricte, faite par la Cour suprême de l'obligation du ministère d'avocat en droit national l'ait empêché de bénéficier d'un examen au fond de son affaire par la plus haute juridiction nationale. » La Cour de STRASBOURG juge qu'il y a eu violation de l'art. 6 § 1. Et condamne la Serbie.
Au même moment, le 27 février 2014, le gouvernement socialiste de la France prend une ordonnance qui modifie l'art. 3 de celle (royale) du 10 septembre 1817 relative aux avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation. Déjà, quelque part, on frémit. Qu'on en soit toujours à un texte de base de la Restauration en pareille matière est ahurissant. LOUIS XVIII c'est bien essentiellement le roi des émigrés, ceux qui n'ont rien oublié ni rien appris.
Le pire de l'histoire, c'est que l'art. 3 en question a été modifié par une loi de 2009 qui y ajoutait la notion «d'office » pour cette catégorie de confrères, alors que sauf erreur de ma part, tous les offices d'Ancien régime avait été supprimés à la Révolution et au Premier empire, et qu'au retour des Bourbons sur le trône, les textes de 1816 sur les avoués, huissiers, notaires, etc. n'avaient pas employé le terme d'office mais de droit de présentation.
Qu'on veuille bien lire tout ce que j'ai écrit à ce sujet sur ce blog tant qu'il n'aura pas disparu, à propos du sujet lors de la suppression heureuse des avoués, à laquelle - je suis à la fin de ma vie - je suis fier d'avoir activement participé.
Alors, on renforce cette catégorie d'avocats, leur monopole quoi, avec des prérogatives dérogatoires de l'art.4 de la loi du 31 décembre 1971. On est donc à l'exact moment, 15 jours plus tard, où on vient de dire comment interpréter la convention européenne des droits de l'homme à laquelle France et Serbie sont parties.
Mais au juste, l'interprétation précise et non équivoque de l'arrêt MASIREVIC est-elle confirme à la directive services de 2006 du bon Monsieur BOLKENSTEIN ? Laquelle ne concerne pas la Serbie, mais les Etats membres de l'Union européenne.
Je parle d'un texte qui a maintenant huit ans, et que, je suis prêt à le parier, 95 % au moins des avocats de notre pays ne connaissent pas. J'en ai récemment administré la preuve notamment par l'arrêt sur le démarchage par lequel le Conseil d'Etat sanctionne à ma demande le 13 décembre 2013 l'interdiction faite aux avocats de démarcher.
La portée en est très générale, puisque lui-même dit à son article 2 point l, qu'il concerne toutes les activités professionnelles de services, sauf les notaires et les huissiers de justice.
Vous avez bien lu, allez y, on n'y parle pas des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation : et pour cause, c'est encore un produit local franco-français.
Ainsi donc, les deux conventions, celle des droits de l'homme et la directive services ne sont pas en contradiction : elles se complètent harmonieusement.
Chaque fois qu'un bâtonnier ouvre la bouche, c'est bien pour parler de la grandeur de la profession, de son rayonnement, j'ai passe et des pires. On vient à ce propos de m'adresser le texte du discours délirant de médiocrité généralement quelconque d'un bâtonnier de l'est (de la France) glorifiant les deux rangs d'hermine, qui ne sont que du lapin d'ailleurs, sur l'épitoge des confrères qu'il introduisait devant la Cour d'appel, et fustiger, le pire en se moquant, les trois rangs du même produit portés sur l'épitoge des docteurs en droit. N'étant apparemment jamais sorti de son trou, il devait au passage ignorer que les Parisiens n'ont plus d'hermine pardon de lapin du tout, ce qui règle une bonne fois pour toute le débat. Passons.
Quoi faire maintenant ?
Maintenant que Télérecours est en place, nous travaillons avec Philippe KRIKORIAN à passer en force un de ces quatre matins un pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat en matière obligatoire, mais nous, sans le ministère.
Une autre idée, plus simple, et moins risquée. Attaquer, par le processus qui a abouti à l'arrêt KUCHUKIAN sur la fin du démarchage pour demander au Conseil d'Etat qu'il sanctionne l'Etat français en refusant le dépôt d'un texte législatif pour abroger la fin de l'art. 4 et celle de l'art. 5 de la loi du 31 décembre 1971, soient les réserves à la liberté de tous les avocats (oui, les confrères qui me haïssez tant, dire qu'en plus je travaille pour vous).
Plus simplement, mes détracteurs habituels qui ne connaissent rien, même au plus haut niveau, au mécanisme des sanctions en cas de non intégration dans le droit positif français des directives européennes, ne pourront rien dire.
Il suffira de demander à supprimer dans tous les textes réglementaires qui régissent la procédure civile et celle administrative, l'obligation d'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation.
J'imagine la tète des conseillers d'Etat, au premier étage du Palais royal, à l'audience correspondante si elle a jamais lieu.