Article unique de la loi française du 29 janvier 2001 : La France reconnaît publiquement le génocide arménien de 1915.
Lorsque les victimes d'un génocide, ou plutôt leurs descendants, n'ont plus rien pour honorer et faire respecter leur mémoire, et donc l'histoire, et donc leur identité, et donc leur honneur, il ne leur reste plus que la justice. Dérisoire compensation qu'on refuse même aux Arméniens (et aux Assyro-Chaldéens chrétiens comme eux dont personne ne parle presque jamais, sauf moi).
C'est le sens du travail acharné de notre confrère et mon ami Philippe KRIKORIAN, que certains traitent par le mépris, les misérables, parce qu'il se place aussi à un niveau intellectuel et juridique qu'ils n'imaginent même pas, tant ils sont veules. On sait son implication dans les actions de reconnaissance du génocide arménien, et avec Madame Valérie BOYER, député du 12ème arrondissement de Marseille (le mien). On sait les efforts qui ont été les siens pour obtenir une loi sanctionnant la contestation du génocide, pourtant déjà reconnue par la France.
Le Conseil constitutionnel a dit inconstitutionnel cette seconde loi pourtant votée par le Parlement français pour donner des conséquences pratiques à la reconnaissance de principe de 2001.
J'ai dit amicalement à Philippe KRIKORIAN que je ne suis pas toujours d'accord avec lui sur son analyse de la décision des hauts conseillers. Justement, et pour rester dans le droit, puisque nous n'avons plus rien d'autre.
Peut être est-ce aussi pour cela qu'il a replacé l'affaire sur le terrain du droit, mais du droit public, comme il faudrait toujours pouvoir le faire si la France était bien un Etat de droit. Alors, se souvenant aussi des leçons du professeur Jean RIVERO, que ni lui ni moi n'avons eu la chance de connaitre personnellement, il a placé la barre très haut en droit et même en droit communautaire.
On raisonne par paliers. 1. Il y a une loi. 2 . Si cette loi n'a pas d'effet pratique, elle ne sert à rien. 3. Il faut donc lui trouver une sanction. 4.La France est en Europe et doit respecter les directives européennes. 5. Il existe une directive européenne de reconnaissance à effets pratiques du génocide arménien. Les Pays-Bas l'ont traduite dans leur droit positif par exemple. 6. La jurisprudence du Conseil d'Etat, puis la loi, rendent responsable l'Etat française de ne pas transposer. 7. L'Etat français doit transposer. Il ne le fait pas. 8.Les Arméniens attaquent l'Etat au Conseil d'Etat, la juridiction administrative, parce qu'il ne le fait pas. 9. Le Conseil d'Etat se déclare incompétent.10. Les Arméniens se retournent alors vers le juge judiciaire, ce qui été plaidée le 30 avril 2013 pendant plus de deux heures à une audience spéciale du président du Tribunal de grande instance de Marseille. Qui nous jugera le 3 juin.
Que doit-il en advenir ?
A . Le juge des référés ordonne à l'Etat français de faire le nécessaire pour que la loi de 1901 ne soit pas une simple déclaration de principe, sans quoi on se demande bien à quoi elle pourrait servir d'autre que de la démagogie électorale. Bref, qu'une nouvelle loi intervienne, qu'on fasse quelque chose. Ou les Arméniens sont aussi des pantins comme leurs gouvernants français.
B. Alors que le préfet était appelé à la cause, lui qui représente bien l'Etat dans le département, je ne me trompe pas, il n'a pas pris d'arrêté de conflit. Je n'ai pas la compétence suffisante pour savoir si le juge des référés peut renvoyer de lui-même au Tribunal des conflits.
C'est bien ce que j'espère qu'il fera.
Le combat se poursuit donc. Je rappelle aux tenants de la thèse BADINTER, grand ami des Turcs sur cette affaire négationniste, lui qui soutient que le traitement du génocide arménien est distinct de celui des Juifs, parce que ceux-ci peuvent s'appuyer sur le procès de Nuremberg, et que ceux-là n'ont pas de procès de référence à opposer, je rappelle deux choses.
Aussi bien morts que vivants, les Arméniens valent bien les Juifs.
Chez eux, nous ne manquons pas d'amis. Mais c'est insuffisant.
Car en plus, ces tenants là se trompent. Le procès des Unionistes qui avaient organisé le génocide a bien eu lieu à CONSTANTINOPLE, avec des condamnations à mort par contumace, sauf que les TALAT PACHA et consorts étaient en fuite. Ceux qui suivent mon blog savent que les héros de l'opération du Dachnak appelée NEMESIS ont réglé la question.
Donc procès il y a bien eu aussi, même si le traité de SEVRES en 1919 dont il découlait a été abrogé par celui de LAUSANNE en 1923. Celui que le professeur Paul de GEOUFFRE de la PRADELLE (1) appelait « le traité scélérat » dans les cours qu'il nous faisait à l'Institut d'études politiques.
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(1) Son père avait été le collaborateur d'Aristide BRIAND, et avait participé à la rédaction du traité de SEVRES, ceux qu'on appelait d'ile de France, en annexes à celui de VERSAILLES.