PROCEDURE : L’INCOMPREHENSIBLE USINE A GAZ DU FUTUR APPEL PRUDHOMAL
C’est vrai qu’il existe actuellement d’autres sujets de préoccupation infiniment plus graves, mais il faut évoquer ici l’incompréhensible usine à gaz du futur appel prudhomal, issu du décret du 20 mai 2016, articles 28 et suivants.
A partir du 1er aout prochain, on ne pourra plus faire appel seul, ni par un membre de l'entreprise ou de la famille. L'appel devra etre fait par un défenseur syndical, rien de changé, ou par un avocat (j’ai cité le texte de l’art. R. 1453-2 du Code du travail), presque rien de changé, qu'il faudra « constituer ». C'est nouveau. Voir plus loin.
Ça veut dire quoi « constituer » avocat. C’est que dans l’art. R.1453-2, il y avait déjà, en point 4°, la mention de l’avocat. Je ne comprends pas.
De quel avocat s’agira-t-il ?
D’un avocat ordinaire, généralement quelconque, comme on disait dans le temps, pas spécialement écrit à tel barreau ou dans le ressort de telle cour d’appel ?
Exactement comme les avocats, qui peuvent exercer partout et par principe (art. 3 bis de la loi de 1971).
En ce cas, la notion de « constitution » d’avocat signifie simplement la nécessité d’un avocat, n’importe lequel.
Oui, mais, jusqu’ici, l’art. R.1453-2 le disait déjà, alors pourquoi un décret nouveau ?)
Ou alors on veut dire « avocat postulant ».
Mais ce n’est pas écrit comme çà.
Il faudrait au surplus définir la postulation, qui est l’obligation d’un avocat, dans un ressort déterminé par la loi.
Sauf que le décret nouveau parle d’avocat « constitué », mais pas « postulant » et encore moins de postulant : où ça ?
Le décret aurait du préciser « postulant dans le ressort de la cour d’appel » ou « constitué dans l’un des barreaux de la cour d’appel. »
Et ce n’est pas terminé, on suivra les règles de la procédure avec représentation obligatoire. Oui, et alors ?
L’art. 899 du Code de procédure civile dit qu’en matière contentieuse, les parties « sont tenus de constituer avocat ».
C’est là que ça va se compliquer.
Car, la constitution d’avocat en appel n’est jusqu’ici que la suite de la constitution d’avoué.
La loi de fusion des deux professions a simplement dit que dans les matières où le ministère d’avoué était obligatoire, il a été remplacé par le ministère des avocats d’un des barreaux du ressort de la cour d’appel. C’est bien clair.
Sauf qu’en matière prudhomale, le ministère d’avoué n’a jamais été obligatoire. Donc, on est hors sujet, et on peut parfaitement soutenir que la « constitution » d’avocat est simplement celle d’un avocat en général, de France, ou d’ailleurs.
Oui, mais, me direz-vous, les règles de procédure de la représentation obligatoire ?
Où est la difficulté ?
Il faudra alors revoir le R.P.V.A., et permettre son extension, ce qui signifie qu’il ne sera plus limité aux échanges dans les procédures du même tribunal de grande instance et dans celles de la cour d’appel dans les matières jadis de la compétence des avoués. Et qu’il s’étendra désormais :
A compter du 8 aout prochain aux échanges dans les procédures de tous les tribunaux de grande instance d’une même cour d’appel, en plus de ce qui existe jusqu’ici. On a compris. C’est clair.
A compter du 1er aout prochain, aux échanges entre tous les avocats de France, en matière prudhommale, avec leur libre accès au R.P.V.A. de toutes les cours d’appel mais en cette seule matière.
On ne m’empêchera pas de penser qu’on vient de pondre une réforme permettant aux avocats parisiens d’accéder au R.P.V.A. de toutes les cours d’appel de France, affaires prudhomales pour commencer.
Et qu’il serait bon qu’il y davantage d’avocats de pratique professionnelle effective dans les cabinets ministériels parisiens, spécialement celui du ministère de la justice.
Je demande aux confrères de ne pas se contenter de me lire, mais de me critiquer et de me contredire : je suis tout à fait disposé à reconnaitre que je me suis trompé.