
Ce billet est plus sérieux qu’on pourrait le croire, à la simple lecture de son titre, au moment où je me rappelle l’étude que j’ai faite voici quelques années sur les usages locaux des barreaux pour les notifications des actes entre avocats. Quelques bâtonniers doivent s’en souvenir encore, qui avaient répondu à mes demandes, certains mêmes qui ont publié mon travail (pas à Marseille, bien sur).
Et puis, je pense à cette ancienne fonctionnaire de La Poste, nommée greffière au service des adjudications d’ici à Marseille, grande spécialiste de la lettre recommandée A.R. Les idées sont lentes à avancer dans la justice.
Ce billet est également écrit au moment où, peut être, on va se poser la question de savoir s’il faut maintenir le monopole des huissiers de justice pour la signification des actes. J’ai bien écrit seulement signification des actes. Pour les voies d’exécution, c’est toute autre chose.
Pour la notification des actes, on parle des notifications lorsqu’elles ne sont pas faites par un huissier (c’est dans le Code de procédure civile), plusieurs juridictions ne connaissent que la lettre recommandée A.R.
Tout le contentieux administratif sans exception (tribunaux administratifs, cours administratives d’appel, conseil d’Etat), tout le contentieux prudhommal et celui de la sécurité sociale ne connaissent que la lettre recommandée A.R.
Il en est de même en matière de procédure collective « ouverte » lorsque les greffes des tribunaux de commerce ou de grande instance notifient des convocations, voire des décisions des juges commissaires. L’usage est par exemple au Tribunal de grande instance de Marseille d’assigner en liquidation judiciaire par acte d’huissier, de placer l’assignation au rôle, et d’attendre la lettre recommandée A.R. du greffier pour communiquer la date d’audience.
On doit évoquer aussi d’autres juridictions, par exemple le tribunal d’instance, qui pratiquent également la lettre recommandée A.R. sur saisine directe du greffe, procédure peu usitée mais dans le Code. Et puis, il y a les notifications des injonctions de payer.
Bref la matière est immense. Plus grande encore qu’on croit, puisqu’il arrive quelquefois que la loi mettre à la charge de l’avocat les notifications obligatoires : ainsi en matière de saisie –immobilière, où le poursuivant, l’avocat, doit, par lettre recommandée A.R., purger les droits de préemption éventuelle du locataire, et de la S.A.F.E.R.
Il est certain qu’à coté de tout cela, le maintien de la possibilité, pour les échanges de procédure purement civile entre avocats devant le Tribunal de grande instance par « acte du palais » donc d’huissier de justice est une vieillerie. BALZAC. Qui a cependant encore cours légal, et la vie dure, même avec le R.P.V.A. et malgré les sages décisions de constatation des conseils des ordres de MARSEILLE (merci CAMPANA, j’y suis pour quelque chose) et PARIS.
Oui, mais me direz-vous, comment allons nous faire ?
Comme partout ailleurs dans le monde, sauf en France, en Belgique et en Algérie (ce qui n’est pas un cadeau de 50ème anniversaire d’indépendance).
Nous le savons tous, en vertu des conventions internationales, lorsque nous avons des procédures à mener contre des défendeurs demeurant hors de nos frontières territoriales. Et là, l’absurde triomphe. Quand en France, nous sommes obligés de passer par un huissier de justice, lequel intervient encore et suit un processus diplomatique qui conduit l’acte dans le pays de destination. Là, il est notifié suivant les usages dudit pays, c'est-à-dire dans 98 % des cas sans huissier : le plus souvent par lettre recommandée A.R., et à ce que je sais, il existe quelquefois des agents administratifs de la juridiction locale qui s’en chargent (en Espagne notamment). Puis retour par la poste.
Je n’ose pas rappeler la procédure civile américaine, notamment au Texas où la lettre recommandée est même désormais dépassée par les messages de courriel de procédure. Mais n’étant pas élu de la profession, je n’ai pas le droit de le dire ou de le revendiquer. C’est comme ça, na.
Prétendre maintenir un monopole couteux et dont la preuve de l’absurdité est ici rapportée est vraiment une spécialité française.
Et pourtant, la France a réussi à faire inscrire cette originalité dans la directive services dits BOLKENSTEIN, laquelle exclut de son champ d’application huissiers et notaires.
J’imagine qu’au cabinet de ce ministre je ne suis pas boycotté, bien au contraire.
Alors je vous le dis, Monsieur MONTEBOURG, la route est longue.