Cette autre disposition du projet est novatrice (article 4 du projet).
Le projet de loi crée une nouvelle catégorie juridique de chiens dont le statut serait intermédiaire entre le statut de droit commun et celui des chiens de 1ère et 2ème catégorie. Il parait légitime de renforcer la prévention des dommages des chiens ayant mordu. Mais, l'obligation de déclaration en mairie mise à la charge du propriétaire ou du détenteur parait assez hypothétique et inutile.
1° - Portée de cette nouvelle catégorie
En effet, le projet de loi institue des obligations particulières pour les détenteurs des chiens « ayant mordu une personne », sans distinction de race ou de taille du chien. La loi ne distingue pas non plus suivant la gravité de la morsure (avec ou sans incapacité de travail).
Le projet de loi ne vise donc que la morsure d’une personne à l’exclusion des dommages aux biens (attaques d’un troupeau par exemple) et de tout autre type de comportement susceptible de causer un dommage (divagation, griffes, attaque d’un chien sur une personne sans morsure…). Dans ces autres cas, il ne pourra donc être fait appel qu’au dispositif prévu « en cas de danger grave et immédiat » à l’article L.211-11 II du code rural.
Il aurait pu paraître opportun de rapprocher ce texte de l’énumération de l’article L.223-10 du code rural qui vise « tout animal ayant mordu ou griffé une personne » ou de l’énumération de l’article L. 211-11 du code rural qui vise « les personnes ou les animaux domestiques ».
2° - Les nouvelles obligations pour les chiens mordeurs
a) Obligation de déclaration
Tout d’abord, le projet de loi met à la charge du propriétaire ou détenteur du chien ayant mordu une obligation de déclaration en mairie.
Il semble bien que le défaut de déclaration autoriserait le maire, ou à défaut le préfet, de saisir l’animal, de le placer en dépôt voire même de faire procéder à son euthanasie. La rédaction du 3ème paragraphe mériterait cependant d’être explicitée sur ce point à moins qu’un renvoi à l’article L. 211-14 IV puisse paraître plus opportun.
Pourtant, cette obligation de déclaration spontanée risque fort de se heurter à des difficultés pratiques d’application.
Tout d’abord parce que l’enregistrement est fait en mairie, c'est-à-dire à un échelon local et non centralisé au niveau national. Le suivi des cas déclarés et ceux non déclarés mais portés à la connaissance de la mairie sera donc difficile en cas de déménagement du propriétaire ou du détenteur. Une difficulté similaire a déjà été rencontrée pour les chiens de 1ère et de 2ème catégorie.
Ensuite, le texte légal ne précise pas si la déclaration doit être faite dans la mairie du lieu du dommage ou de celle de résidence du propriétaire ou du détenteur.
Enfin, la charge de cette obligation est, semble-t-il, alternative (soit le détenteur, soit le propriétaire) étant précisé qu’il peut s’agir de deux personnes différentes.
Par ailleurs, les conséquences immédiates de cette déclaration spontanée en mairie pourraient apparaître très dissuasives (cf. c) et d) ci-dessous).
b) Rappel de l’obligation de surveillance vétérinaire
Lors de sa déclaration, le propriétaire ou le détenteur se voit rappeler l’obligation impérative de placer son chien sous la surveillance d’un vétérinaire à ses frais.
Il ne s’agit cependant pas là d’une nouveauté mais de la conséquence de l’article L223-10 du code rural qui prévoit déjà cette obligation depuis le décret n°89-804 du 27 octobre 1989 non seulement pour les morsures mais aussi pour les griffes.
c) Obtention d’une attestation d’aptitude
Mais en outre, le propriétaire ou le détenteur sera tenu de suivre une formation identique à celle prévus pour les chiens des 1ère et 2ème catégorie.
d) Evaluation comportementale du chien mordeur
Enfin son chien sera également soumis à l’évaluation comportementale des chiens des 1ère et 2ème catégorie.
Il est à remarquer que l’une et l’autre de ces deux dernières obligations ne sont soumises à aucune appréciation du maire comme c’est le cas dans le cadre de l’article L.211-11 du code rural. Ces obligations découlent directement de la loi.
3° - Pas d’assimilation avec les chiens de 1ère et de 2ème catégorie
Mais, en l’état du texte, l’assimilation avec les chiens de 1ère ou même de 2ème catégorie n’est pas totale.
En effet, le propriétaire ou détenteur du chien ayant mordu n’est pas soumis aux obligations de tenue, ni d’accès aux voies et lieux publics de ces chiens. Il ne lui est pas non plus interdit de se trouver dans les parties communes d’un immeuble collectif.
En outre, l’évaluation comportementale du chien ne serait pas temporaire mais ponctuelle. En effet, le texte du projet renvoi à l’article L.211-14-1 du code rural relative à l’évaluation comportementale mais pas au 2ème paragraphe du nouvel article L.211-13-1.
Il convient également de remarquer que le cédant d’un chien ayant mordu ne sera tenu d’aucune information particulière à l’égard du cessionnaire qu’il soit nouveau propriétaire ou nouveau détenteur.
En conclusion :
La mise en œuvre de ces nouvelles dispositions dépend essentiellement d’un seul fait générateur : la déclaration en mairie par le détenteur ou le propriétaire de l’existence d’une morsure. Une démarche spontanée qui pourrait bien n’être qu’illusoire et dont l’efficacité serait donc douteuse.
Ainsi, les morsures survenues dans le cadre familial, amical ou relationnel, qui sont hélas assez fréquentes, pourraient bien n’être jamais déclarées pour éviter au propriétaire ou au détenteur des tracas ou des coûts que ses proches veulent lui éviter.
Dans les faits, le « portée à connaissance» à la mairie, s’il a lieu, pourrait donc survenir de la victime, les services de police municipale ou judiciaire ou de tiers.
Le dispositif de l’article L.211-11 du code rural permettra alors au maire d’enjoindre directement au propriétaire ou détenteur de suivre la formation d’aptitude à la détention et de faire procéder à l’évaluation comportementale de son chien sans même attendre une déclaration de sa part.
Il suffirait au législateur de compléter l’article L. 211-11 I réputant le « chien ayant mordu une personne » comme présentant de plein droit un danger pour les personnes et les animaux et autorisant de ce fait le maire à prendre les dispositions citées ci-dessus.
Est-il alors encore nécessaire d’obliger le propriétaire ou le détenteur à déclarer une morsure en mairie ?
Eric POSAK