...est épinglée dans un excellent article érudit de Monsieur Denis Mazeaud, Professeur à l'Université Panthéon-Assas (Paris 2), publié dans le Recueil Dalloz 2014 p. 121 sous le titre plus
Universitaire : Le rayonnement des clauses processuelles
L'auteur énonce tout d'abord que le rayonnement des « clauses processuelles reste une question délicate et débattue. Il n'est pas simple, en effet, de prévoir avec certitude les réponses que la jurisprudence donne aux questions qui portent sur l'extension ou la transmission des clauses attributives de juridiction ou des clauses compromissoires tant en droit interne, qu'en droit européen. Pour mieux critiquer la situation désordonnée de notre droit l'auteur débute son brillant exposé en faisant référence à l'arrêt rendu le 11 septembre 2013, par la première chambre civile de la Cour de cassation qui selon lui « apporte sa petite pierre à un édifice jurisprudentiel dont les fondations ne brillent pas par leur solidité »...
Puis le professeur Denis Mazeaud fait l' « état des lieux » de notre droit. sans prétendre dresser un état des lieux complet, il s'efforce de restituer les règles énoncées par la Cour de cassation en matière de transmission des clauses processuelles, tant en droit interne , qu'en droit européen, et c'est un vrai bonheur pour le lecteur.
En droit interne l'auteur rappelle : « qu'il s'agisse d'une clause attributive de juridiction ou d'une clause compromissoire, l'une et l'autre, quand elles sont stipulées dans un contrat qui est intégré dans une chaîne homogène ou hétérogène de contrats translatifs de propriété, sont transmises à tous ceux des membres de la chaîne qui agissent contre la partie au contrat dans lequel la clause est insérée. Elles configurent donc l'action contractuelle directe exercée par un des membres de la chaîne contre cette partie, alors même qu'ils ne sont pas cocontractants.
(...) C'est un motif de technique juridique qui est traditionnellement avancé pour fonder la nature contractuelle d'une telle action : celle-ci est, en effet, transmise accessoirement au bien dont la propriété est transférée au sous-acquéreur ou au maître de l'ouvrage, qui jouit, en vertu de la théorie de l'accessoire, de tous les droits et actions garantissant la qualité, la conformité et la sécurité du bien vendu, qui appartenaient à son auteur, et que celui-ci tenait lui-même du contrat conclu avec le défendeur à l'action. Aussi, cette action est-elle directement transmise au demandeur à l'action, nécessairement munie des clauses qui l'aménagent et la façonnent. Comme l'a énoncé la Cour de cassation, à propos de la clause compromissoire, « dans une chaîne de contrats, (celle-ci) est transmise de façon automatique en tant qu'accessoire du droit d'action, lui-même accessoire du droit substantiel transmis ». En somme, en dépit de son caractère autonome, la clause suit automatiquement l'action »
La critique de ce raisonnement qui est celui de nos plus hauts magistrats par le professeur Denis Mazeaud est un morceau d'élégance, de mesure et de logique juridique qui ravira les cartésiens.
Pour le droit européen l'auteur explique que : « Dans les chaînes européennes de contrats, la règle est nécessairement la même pour les clauses compromissoires qu'en droit interne ; en effet, le règlement Bruxelles I sur la compétence judiciaire en matière civile et commerciale excluant l'arbitrage de son champ d'application, le juge applique la règle de droit français. Il en va différemment pour les clauses attributives de juridiction » Judicieux rappel critique de la jurisprudence de la Cour de Cassation. L'auteur analyse avec clarté par la suite la faiblesse de la cohérence de notre droit positif puis attire l'attention des praticiens sur une exception notable à la jurisprudence européenne :
« Ce principe de non-transmission automatique de la clause attributive de juridiction dans une chaîne européenne de contrats translatifs connaît, en droit positif, une exception en matière de connaissement de transport maritime. La Cour de justice et la Cour de cassation admettent, en effet, qu'une clause attributive de juridiction, stipulée dans le contrat conclu entre le chargeur et le transporteur, se transmet automatiquement au tiers porteur du connaissement, indépendamment de son consentement, lorsqu'il est substitué au chargeur en vertu du droit national applicable en la cause. A contrario, le consentement n'est donc exigé que lorsque le droit national n'admet pas que le tiers porteur du connaissement succède aux droits et obligations du chargeur. Au fond, en succédant aux droits et obligations du chargeur, le destinataire, porteur du connaissement, est contractuellement substitué à celui-ci ; il peut donc logiquement, en raison de cette substitution de position contractuelle » se voir opposé l'existence de la clause.
Le reste de l'article est une fine analyse de la faiblesse de notre jurisprudence en droit interne qui parait indéfendable à l'auteur.
Je vous invite à lire ce travail dense, plein d'humour et de hauteur, qui restera, je n'en doute pas, une référence et la base d'une évolution salutaire de notre droit dans un avenir que nous pouvons souhaiter que prochain.