Ref. : Cass. civ. 1, 15 mars 2017, n° 16-10.525, F-P+B (N° Lexbase : A2641UCS)
par Anne-Laure Blouet Patin
L'entrée en fonction de tout magistrat, lors de sa nomination à son premier poste, étant subordonnée à sa prestation de serment, et l'incompatibilité édictée par l'article 115 du décret n° 91-1197 (N° Lexbase : L8168AID) n'interdisant seulement, sous les réserves qu'il vise, l'exercice simultané de la profession d'avocat et de toute autre profession, un avocat nommé magistrat par décret garde sa qualité d'avocat tant qu'il n'a pas prêté serment. Telle est la solution dégagée par la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 15 mars 2017 (Cass. civ. 1, 15 mars 2017, n° 16-10.525, F-P+B N° Lexbase : A2641UCS). Dans cette affaire, Me B., avocate inscrite au tableau de l'Ordre des avocats au barreau de la Guadeloupe, a bénéficié d'une intégration directe dans le corps judiciaire et a été nommée magistrat par décret du Président de la République du 25 mars 2014, publié le 27 mars ; elle a poursuivi l'exercice de la profession d'avocat jusqu'au 31 août 2014, date de son omission du tableau et veille de sa prestation du serment de magistrat. Or, le 12 juin 2014, elle avait interjeté appel d'un jugement rendu par un juge de l'exécution, dans un litige opposant la société A. à deux autres sociétés. Pour déclarer son recours irrecevable, la cour d'appel retient qu'à compter de sa nomination comme magistrat, Mme B. avait perdu la qualité d'avocat, même si elle n'avait pas encore été omise du tableau et n'avait pas prêté le serment de magistrat, qui conditionne la prise de fonction mais pas l'application du statut (CA Basse-Terre, 23 novembre 2015, n° 15/00713 N° Lexbase : A5930NXW). L'arrêt sera censuré par la Haute juridiction au visa des articles 1er, I, alinéa 3, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 (N° Lexbase : L6343AGZ) et 115 du décret n° 91-1197, ensemble les articles 6 et 7 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958, portant loi organique relative au statut de la magistrature (N° Lexbase : L5336AGQ) (cf. l'Encyclopédie "La profession d'avocat" N° Lexbase : E8309ETW).
Mon commentaire est de constater assez attristé que les rumeurs de bizutage et d'une forme de mépris des magistrats issus de l'ENM à la sortie de leurs études universitaires à l'égard de ceux qui le deviennent par concours ou par décret, souvent des avocats, semble être vrai, sauf à ce que l'on puisse m'expliquer et justifier de la décision rendue dans le cas d'espèce cassée par la Cour de Cassation. Vous me direz que l'erreur même de droit est humaine, donc "Honni soit qui mal y pense" à l'égard des prises de positions de syndicalistes néanmoins magistrats qui ne veulent de juges que ceux issus de l'Ecole Nationale de la Magistrateur à l'issue de leur cursus universitaire pour des "raisons" de recrutement et en réalité de la préservation des filières de carrière...
Passons pour nous attarder sur le mal plus profond de notre société dans son ensemble. Il est consternant de voir qu'elle est coupée en deux: secteur public et secteur privé, qualifié de société civile pour la distancier des services de l'Etat. Il ne devrait point avoir de fonctionnaire qui n'ait une expérience réussie dans le privé avant d'accèder à un emploi dans le service public si l'on veut en finir avec les incompréhensions de l'Etat du fait de son ignorance de la réalité des contraintes et des obligations qui pèsent au quotidien sur le secteur marchand qui fait vivre le pays en son entier.
Il est maintenant urgent que la société civile s'empare de l'Etat pour que ce pays ne soit pas bipolaire plus longtemps, incapable de se réformer, enliser dans les prébendes et le carrièrisme des fonctions dites représentatives aux mains de personnes qui ne connaissent des entreprises que des statistiques, des rapports, pour exercer sur l'économie leur capacité de nuissances syndicales ou/et politiques qui sont à hauteur de leur méconnaissance du concret des entreprises soit par dogmatisme imbécile, par définition, soit par ignorance de caste, énarchie et autres.
Il est en ce qui concerne la justice invraisemblable que les magistrats qui statuent en droit du travail n'aient jamais été employeurs ou D.R.H. et qu'ils ne se soient pas coltiner une entreprise de 50 ou 300 personnes, voir même un Cabinet d'avocats avec du secrétariat, et que jamais, je dis bien jamais, ils n'aient été responsables de leur fin de mois et des salaires de leur personnel ! Même remarque pour d'autres disciplines du droit applicable pour lesquels bien évidemment la connaisance des réalités est nécessaire, il me vient par exemple à l'idée le droit des baux commerciaux qui est devenu n'importe quoi de complexité et d'indemnisation loin du nécessaire, comme d'ailleurs pour d'autres domaines...notamment celui des préjudices corporels. Un stage en hôpital, et de service de rééducation avec des entretiens et suvi de victimes sortiraient les magistrats des tables des assurances et leur nez des rapports des experts...Il est évident que notre pays ne sera pas réformable tant que la clique politicienne ne sera pas vidangée et remplacée par la société civile au pouvoir. Il n'est pas interdit de rêver à une révolution douce mais profonde. Cela relève du pouvoir des électeurs.