LEGISLATIVES PARTIELLES - Guy Fitoussi : "On nous vole notre démocratie"
Dimanche 26 mai prochain, la 8e circonscription des Français de l'étranger connaitra les résultats du premier tour de ces élections législatives partielles. La rédaction du PetitJournal.com Italie donne la parole aux 20 candidats qui se présentent à l'instar de Guy Fitoussi. Ce candidat indépendant qui dénonce la dérive communautariste de certains candidats vivant en Israël compte bien se faire entendre. Il souhaite replacer cette élection dans le giron de la démocratie française.
Lepetitjournal.com: Pouvez-vous vous présenter ?
Guy Fitoussi: Binational franco-israélien, je suis marié et j'ai deux enfants. J'ai grandi en France mais je me suis installé en Israël vers l'âge de 20 ans. J'y suis resté pendant 25 ans et y ai exercé ma profession d'avocat. Je peux donc dire qu'Israël est le pays que je connais le mieux de la circonscription. De par ma profession, j'ai mené des luttes contre les discriminations que connaissent les juifs séfarades (juifs d'Europe du sud et d'Afrique du nord, ndlr) en Israël. Mais j'ai pris la décision récemment de rentrer en France parce que cette lutte est presque impossible à mener depuis Israël. Je travaille donc à Paris.
Pourquoi avez-vous décidé de vous présenter à ces élections législatives ?
En réalité, c'est par rapport à ce qui est en train de se passer entre Israël et la France que je me présente. Beaucoup de candidats franco-israéliens se présentent comme des candidats sionistes. Ils misent uniquement sur Israël pour se faire élire député français. Ces élections sont symptomatiques d'une dérive communautariste très grave. Certains candidats veulent exporter dans ces élections françaises des problèmes qui n'ont rien à voir avec la démocratie française. C'est une attitude scandaleuse. Je voudrais leur dire qu'ils n'ont qu'à se présenter aux élections israéliennes mais ils n'ont pas à profiter de la démocratie française pour représenter des minorités ou des groupes d'intérêt. Je ne me présente pas comme le candidat antisioniste mais ma position en tant que Franco-Israélien est réaliste. Elle consiste à dire : occupez-vous d'abord des droits de l'Homme, des droits fondamentaux qui régissent la France. On tente de nous faire croire que l'Europe du sud ne connaît pas la lutte des classes, avec ses propres problèmes sociaux mais c'est faux, on les masque. Je souhaite donc rétablir la vérité sur ce sujet.
Ce qui m'a poussé à me présenter c'est la défense des droits de l'Homme ; des droits qui ne sont pas respectés à beaucoup de niveaux en Israël. Nous sommes face à une circonscription hétérogène où ces droits ne sont pas appliqués de la même manière de l'Italie à Israël, de la Turquie à la Grèce.
Que représente l'Italie pour vous ? Que vous inspire sa situation politique ?
Pour moi, l'Italie est le plus beau pays au monde. Il représente la joie de vivre, la beauté, la culture et la Renaissance. L'Italie est une terre de tolérance et les mauvaises langues qui parlent d'une sorte de renaissance du fascisme se trompent. Pour preuve, la communauté juive d'Italie, la première population juive installée en Europe est pleinement italienne. J'en profite pour dire à tous les Israélites italiens de ne pas céder à ces discours soi-disant sionistes qui appellent à l'émigration vers Israël. Ne vous laissez pas déraciner de votre terre.
Concernant la situation politique, le système législatif proportionnel est un échec. Nous l'avons connu en France sous la IVe République (1944-1958, ndlr) et c'est ce même système qui existe en Israël aujourd'hui. Je pense donc qu'une réflexion institutionnelle s'impose en Italie. Par ailleurs, ceux qui appellent à une VIe République en France et au retour d'un système parlementaire se trompent. Cela amène à un système absurde basé sur des alliances qui renversent un gouvernement du jour au lendemain. C'est contre-productif pour la mise en place de grandes réformes. Cependant, ce qu'il se passe aujourd'hui en Italie est porteur d'un grand espoir. Si l'on compare avec l'histoire récente de la France, ce n'est que grâce à une crise que le général De Gaulle a réussi à imposer le système présidentiel que nous connaissons. L'Italie peut donc suivre l'exemple en ces temps de crise profonde.
Pour revenir à la campagne, quelles idées défendez-vous ? Sur quels thèmes se dessine votre programme ?
Les grandes lignes de mon programme concernent la vie de tous les jours. Je défendrai le droit de la famille. Par exemple, il existe beaucoup de cas de divorces binationaux qui ne respectent pas ce droit fondamental. Pourtant, selon l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme, toute personne a droit à une vie privée et familiale. Si vous prenez le cas d'Israël, où l'on interdit des citoyens de sortir du territoire à cause de dettes civiles, en cas de divorce et d'expatriation des enfants, le lien est rompu. C'est un véritable drame qui concerne des citoyens français. La France se doit d'intervenir contre ce type de système. Le découpage administratif de la 8e circonscription des français de l'étranger n'aurait pas dû inclure Israël pour la simple et bonne raison que l'état hébreux n'a pas signé la Convention européenne des droits de l'Homme. Le pays pratique un système de discrimination. Cela ne donne donc pas les mêmes moyens d'agir dans tous les pays de la circonscription.
Je souhaite représenter les Français de cette circonscription pour faire valoir nos valeurs républicaines d'égalité et de fraternité. Le droit au système de retraite devrait être le même, pour tous les Français, y compris ceux qui vivent à l'étranger. C'est un droit fondamental inscrit dans le code civil. On porte clairement atteinte au principe de rétroactivité de la loi et je souhaite me battre contre cette injustice. Des Français qui ont fait le choix d'une carrière à l'étranger doivent pouvoir bénéficier du même système que les autres.
Le scrutin de juin 2012 a connu un taux d'abstention de 87 %. Un an plus tard, ce sont 20 candidats qui se présentent, dont une majorité d'Israël. Qu'en pensez-vous ?
Selon moi, le taux d'abstention, comme la multitude de candidats correspond à un déficit de démocratie de la part des candidats eux-mêmes et des électeurs. Mais il va sans dire que ce n'est pas la faute des électeurs. Beaucoup de candidats défendent les intérêts de lobbies ou de minorités et transforment l'élection d'un député français en une tribune pour des revendications externes à la France. C'est le cas en Israël, où le taux d'abstention en juin 2012 a été très élevé. Les candidats ont souvent fait preuve de communautarisme et ne se sont pas attelés à défendre les droits fondamentaux des Français.
Que pensez-vous du découpage de cette circonscription hétérogène ?
En ce qui concerne le découpage, au niveau culturel, c'est une grande chance de rassembler les trois grandes religions au sein d'une même circonscription. La France tente donc de fédérer des communautés que l'on ne soupçonnait pas qu'elles pouvaient se rapprocher avant, le problème du Proche-Orient étant très présent. La Turquie est souvent épinglée par la Cours européenne des droits de l'Homme mais elle a tout de même le mérite d'avoir signé cette Convention européenne des droits de l'Homme qui permet de saisir la Cours. Je le répète, la situation d'Israël est intolérable. C'est le seul pays de la circonscription à ne pas l'avoir signé.
Que pouvez-vous nous dire à propos de la politique menée par François Hollande et son gouvernement ?
Dans le contexte dans lequel nous nous trouvons, il y a une réalité économique qu'il ne faut pas oublier. Nous avons donc plus besoin d'un bon gestionnaire que d'un bon Président. Il semble que François Hollande soit conscient de cette situation puisque lorsqu'il s'adresse aux Français, c'est pour leur expliquer pourquoi il n'agit pas. Je n'attends donc rien de lui et de son gouvernement. Le silence valant souvent mieux que la parole, François Hollande doit être jugé sur ses actes et non sur ces discours.
Propos recueillis par Aurélien Bureau (www.lepetitjournal.com de Milan) - lundi 20 mai 2013