Cass. Ass. plén., 7 novembre 2014 (pourvoi n° 14-83.739)
Matière : droit pénal
Mots-clés : homicide volontaire - prescription
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Commentaire : l’affaire met en scène une femme poursuivie pour infanticide suite à la découverte des cadavres de huit nouveau-nés.
Pour écarter l’exception soulevée par l’intéressée tendant à la constatation de la prescription de l’action publique, la mort de certains enfants remontant à plus de 10 ans, la chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Douai a retenu que « le secret entourant les naissances et les décès concomitants, qui a subsisté jusqu’à la découverte des corps des victimes, a constitué un obstacle insurmontable à l’exercice de l’action publique qu’appelaient les origines criminelles de la mort des huit nouveau-nés ».
Cette analyse est censurée par la Chambre criminelle de la Cour de cassation à l’occasion d’un premier pourvoi (Cass. crim., 16 oct. 2013, n° 11-89.002). Selon la Haute juridiction, l’homicide volontaire est une infraction matérielle consommée par la mort de la victime. Il en résulte que la prescription décennale prévue à l’article 7 du Code de procédure pénale commence à courir à compter du jour où la mort est survenue, sans pouvoir en reporter le point de départ au jour où le Ministère public a eu connaissance des faits par la découverte du cadavre, quand bien même la victime était parvenue à dissimuler ses grossesses et le cadavre de ses victimes aux yeux de tous.
La chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Paris, statuant comme juridiction de renvoi, a résisté et rejeté l’exception de prescription de l’action publique après avoir pris soin de démontrer que nul n’avait été en mesure de s’inquiéter de la disparition d’enfants nés clandestinement, morts dans l’anonymat et dont aucun indice apparent n’avait révélé l’existence.
L’accusée a formé un second pourvoi, qui sera cette fois-ci rejeté. Selon la Cour de cassation, réunie en Assemblée plénière, « si, selon l’article 7, alinéa 1er, du Code de procédure pénale, l’action publique se prescrit à compter du jour où le crime a été commis, la prescription est suspendue en cas d’obstacle insurmontable à l’exercice des poursuites ». Or, en constatant que les grossesses de l’accusée avaient été masquées par son obésité et n’avaient été décelées ni par ses proches ni par les médecins consultés, que les accouchements ont eu lieu sans témoin, que les naissances n’ont pas été déclarées à l’état civil, que les cadavres des nouveau-nés sont restés cachés jusqu’à la découverte fortuite des deux premiers corps, les juges ont « caractérisé un obstacle insurmontable à l’exercice des poursuites, ce dont il résultait que le délai de prescription avait été suspendu jusqu’à la découverte des cadavres ».
Précédent jurisprudentiel : Cass. Crim., 19 septembre 2006 (pourvoi n° 05-83.536)