La politique française est devenue compassionnelle et chaque fait divers donne désormais l'occasion d'un discours passionnel du Président entraînant par la suite des constructions législatives accélérées, mais fragiles.
C'est un peu' la politique du perron'; le président de la république court-circuite les corps intermédiaires, les diplomates, les juges, pour le meilleur ou pour le pire, et l'annonce sur le perron de son palais.
Ainsi, à la suite de fait divers mettant en cause des personnes à la santé mentale altérée il a été mis sur pieds et très rapidement la réforme de l'hospitalisation psychiatrique, les débats commençant à l'assemblée ce 15 mars.
L'exposé des motifs de ce texte nous dit :
"Le premier objectif de la réforme consiste à lever les obstacles à l'accès aux soins et à garantir leur continuité, sans pour autant remettre en question les fondements du dispositif actuel. Cette question est au coeur de la réforme parce qu'elle conditionne la place et le maintien des personnes présentant un trouble mental dans la société.
Le deuxième objectif consiste à adapter la loi aux évolutions des soins psychiatriques et des thérapeutiques aujourd'hui disponibles, qui permettent à de nombreux patients d'être pris en charge autrement qu'en hospitalisation à temps plein. En l'état actuel des textes, les médecins ne disposent pas d'autre cadre juridique que celui des sorties d'essai pour permettre une prise en charge ambulatoire ou en hospitalisation partielle, rendue possible par une amélioration de l'état du patient. Dans les faits, certains patients pour lesquels les médecins jugent nécessaire de maintenir un cadre structurant et contraignant demeurent parfois plusieurs années en sortie d'essai. Si elles répondent aux besoins réels des patients, de telles pratiques n'entraient pas dans les prévisions du législateur de 1990. Il est donc nécessaire d'adapter les textes sur ce point. Le présent projet substitue ainsi à la notion d'hospitalisation celle des soins sans consentement.
Le troisième objectif de la réforme porte sur le suivi attentif des patients, pour leur sécurité et pour celle des tiers, dont l'aménagement est exigé par la consécration de la pratique des soins en dehors de l'hôpital. Divers événements dramatiques survenus ces derniers temps attestent de la nécessité, rappelée par le Président de la République, de mieux encadrer les sorties des établissements de santé et d'améliorer la surveillance de certains patients susceptibles de présenter un danger pour autrui. Une vigilance accrue des professionnels et des pouvoirs publics vis-à-vis de la faible part des malades atteints de troubles mentaux susceptibles d'actes graves de violence doit contribuer à rendre la société plus accueillante et tolérante vis-à-vis de l'ensemble des personnes présentant un trouble mental.
Le quatrième objectif porte sur le renforcement des droits des personnes malades et des garanties du respect de leurs libertés individuelles, rendus nécessaires par les assouplissements apportés par le présent projet en faveur de l'accès aux soins. Sur ce point, le texte prend en considération les recommandations européennes et celles du contrôleur général des lieux de privation de liberté.
Les mesures proposées pour faciliter l'accès aux soins concernent essentiellement le dispositif à la demande d'un tiers et consistent à :
- simplifier ce dispositif et rendre son application plus aisée en fusionnant la procédure normale et la procédure d'urgence (assouplissement des conditions en matière de certificats médicaux), cette dernière étant devenue dans la pratique la procédure usuelle ;
- clarifier le rôle du tiers qui, de demandeur d'hospitalisation, devient demandeur de soins, sans avoir à se prononcer sur la modalité de ces soins ;
- combler les carences du dispositif actuel par la création d'une procédure applicable en l'absence d'une demande formelle d'un tiers dans les situations médicales les plus graves ;
- maintenir la mesure de soins sans consentement lorsque le psychiatre est d'avis que la levée de la mesure demandée par un tiers mettrait en danger la santé du malade.
Les mesures pour diversifier les modalités de prise en charge sont les suivantes :
- prévoir que l'entrée dans les soins se fait systématiquement en hospitalisation complète et aménager un premier temps d'observation et de soins en créant un nouveau certificat établi dans les soixante-douze heures complétant celui des vingt-quatre premières heures ;
- passé ce premier temps d'hospitalisation complète et en fonction des conclusions de l'évaluation du patient durant cette période, aménager la possibilité de prendre en charge les patients selon d'autres modalités que l'hospitalisation complète.
Les dispositions retenues pour garantir le suivi des patients et mieux encadrer les sorties des établissements de santé, pour des soins autres qu'en hospitalisation complète ou pour les levées des mesures de soins sans consentement, tant pour la sécurité des malades que pour celle des tiers, sont les suivantes :
- pour les patients en soins sans consentement pris en charge en dehors de l'hôpital, assurer la continuité de la prise en charge en prévoyant la possibilité de réinsérer le patient dans les soins en cas d'absence de présentation de ce dernier aux consultations.
- pour les patients les plus difficiles (ayant séjourné en unité pour malades difficiles ou ayant été déclarés irresponsables pénalement pour cause de trouble mental), permettre aux préfets de disposer, en plus du certificat médical circonstancié du médecin qui prend en charge le patient, de deux expertises et de l'avis d'un collège de soignants.
Pour renforcer les droits des personnes, le projet de loi prévoit :
- l'information régulière des patients sur leurs droits, notamment de recours, et sur leur état de santé ;
- le recueil de leurs observations sur les décisions les concernant ;
- le recentrage du rôle des actuelles commissions départementales des hospitalisations psychiatriques en prévoyant l'examen systématique des situations les plus sensibles (toute mesure de plus d'un an, procédure en l'absence de tiers) ;
- la consécration de la définition jurisprudentielle du tiers ;
- le renforcement des conditions de révision de la situation des patients en soins sans consentement sur demande d'un tiers en imposant un examen collégial au bout d'un an.
Mais ce texte est également grandement contesté pour développer une vision sécuritaire
Et cette lecture là dit que ce texte veut :
- Elargir les possibilités de soins sans consentement au domicile du patient, "sur décision du représentant de l'Etat", si besoin sous la contrainte (actuellement seule l'hospitalisation sous contrainte est possible)
- Amplifier les indications de l'hospitalisation contrainte en psychiatrie, actuellement possible "à la demande d'un tiers" ou "d'office" (situation compromettant l'ordre public et/ou la sûreté des personnes). Une nouvelle indication, "en cas de péril imminent", est rajoutée. Devant le manque de clarté de cette appellation, reprise 10 fois dans le projet de loi, un amendement a été adopté en Commission des Affaires Sociales (CAS) afin de la remplacer par "risque grave d'atteinte à l'intégrité du malade". Cette hospitalisation pour "risque grave d'atteinte à l'intégrité du malade" va débuter par un "délai d'observation de 72 heures", qui pourra déboucher sur une hospitalisation d'office, volontaire ou des soins ambulatoires.
- Limiter les "sorties d'essai", accusées d'être à l'origine de faits divers ayant marqué le législateur
- Donner un rôle majeur aux préfets, qui pourront notamment s'opposer à la sortie de l'hôpital d'un patient contre l'avis des médecins. Néanmoins, un amendement rajouté en CAS prévoie "l'instauration d'un recours automatique par le directeur d'établissement au juge en cas de divergence entre le psychiatre et le préfet sur l'opportunité de lever la mesure de soins", ce qui pourrait atténuer le caractère essentiellement sécuritaire de cette mesure.
- "Améliorer la surveillance de certains patients susceptibles de présenter un danger pour autrui", ce qui concrètement pourrait prendre la forme d'une surveillance par bracelet électronique, même si le projet de loi n'en fait pas mention explicitement.
Cette modification législative irait donc dans le sens d'un élargissement des possibilités d'hospitalisation psychiatrique sans consentement, d'une limitation des sorties et d'une surveillance accrue... Des axes principalement sécuritaires qui devraient encore renforcer la stigmatisation dont souffrent ces patients...
C'est le traditionnel débat entre la sécurité et la liberté, débat, qui s'amplifie avec l'augmentation de la population, l'urbanisation et la fragilisation constante de la santé mentale.
Il faudra y veiller dans les débats parlementaires, puis probablement devant le Conseil Cnstitutionnel de telle manière que le remède ne soit pas pire que le mal dans la république des psychotropes qu'est devenue la France.