Il fut un temps où l'économie était réelle et les choses tangibles.
Aujourd'hui le capitalisme est financier, les traders jouent avec les algorithmes, la virtualité rentre dans nos vies.
Même les vieilles professions judiciaires, dont l'avocat fait partie, se mettent à la numérisation.
Mais, la grosse sera toujours la grosse.
Avant que l'une ou l'autre association ne hurle à la discrimination, il faut préciser que la grosse est la seconde expédition d'une décision de justice, celle comportant la formule exécutoire grâce à laquelle l'huissier de justice va pouvoir accomplir des exploits.
L'avocat tient à sa grosse comme à la prunelle de ses yeux.
Mais, parfois, la grosse il faut la rendre au client, elle lui appartient.
Et quand le client habite à l'extérieur, il ne suffit pas de la numériser.
On n'a pas encore trouvé la solution pour la téléporter.
Il faut donc la confier à la poste, service public de la République.
Dans ce cas, l'avocat, prudent utilise la lettre recommandée avec accusé de réception.
Comme cela, il recevra un avis de réception qu'il aura tout loisir de numériser.
Ainsi donc j'ai, banalement, restitué à un client dans une procédure de droit de la famille, quatre décisions originales, quatre grosses, (on n'en a jamais assez.)
Sauf que, le dossier ressorti, par les mérites d'une alerte informatique, il a bien fallu constater un mois après l'envoi qu'il n'y avait pas d'accusé de réception.
Un courriel interrogatif au client destinataire.
Sa réponse : « la lettre est bien arrivée, la poste quant à elle, a juste estimé qu'une LRAR était simplement à distribuer dans la boîte à lettres »
Là, ce brave homme est médisant pour avoir l'air de supposer que le facteur a été paresseux qui a déposé le courrier dans la boîte à lettres plutôt que de faire signer l'avis de réception et de laisser simplement un appel républicain à aller chercher le courrier au bureau de boxe contre signature.
En fait le facteur était tellement habitué à la virtualité des échanges que ce détail la lui a échappé.
C'est légitime que le service public aussi devienne virtuel.
Comme le reste.