Le Sénat - par sa Commission des Affaires Européennes - a présenté une proposition de résolution européenne le 27 juillet 2012 concernant la reconnaissance des qualifications professionnelles à la suite de la proposition de Directive présentée par la Commission européenne et modifiant la Directive 2005/36/C.E. du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles.
Le Sénat a approuvé les objectifs de la proposition de Directive qu'il considère comme excellents. Toutefois, une seule disposition est critiquée. La Commission européenne a proposé d'inclure les notaires dans le champ de la Directive de reconnaissance sur les qualifications professionnelles. Sur ce point, le Sénat n'est pas d'accord.
Il considère que la profession de notaire ne peut pas « par nature » ( !) entrer dans le champ de la Directive « Services ». Il considère qu'on est nommé notaire par le Garde des Sceaux et qu'être titulaire du diplôme ne suffit pas pour exercer la profession. Cela est suivi d'un véritable éloge de la profession qui n'est pas une qualification mais une fonction.
Le Sénat se prévaut du fait qu'il n'existe pas de mobilité des notaires sur le territoire national pour indiquer qu'il n'en aura pas sur le plan européen ! En bref, notaires européens, passez votre chemin !
Il confirme donc son opposition très ferme à l'inclusion des notaires tout en ne critiquant pas la récente jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union Européenne de mai 2011 (sur la nationalité des notaires).
Ainsi, quelque soit le régime dans lequel nous vivons, la profession de notaire est protégée par nos honorables parlementaires.
Toutefois, de façon étonnante, lorsque ces honorables parlementaires quittent le Parlement ou veulent arrondir leurs fins de mois, ils ne demandent pas à entrer dans cette profession-fonction qu'ils protègent de tout leur coeur mais... dans la profession d'avocat, elle soumise à la Directive « Services » sans avoir été défendue par leurs soins.
Il est vrai que celle-ci n'est qu'une profession et non une fonction et qu'elle ne bénéficie pas de la délégation de l'Etat et de la protection du Sénat. Elle n'a pas de numérus clausus, de monopole bénéfique, pas de tarifs, accepte la multidisciplinarité et la publicité.
Bienheureux le notariat et bravo à leur lobbying ! Parfois, j'aimerais être un notaire pour avoir autant d'influence sur les sénateurs et les députés. J'aimerais convaincre - un jour - un ministre de se présenter devant un de nos congrès et dire qu'il est le « premier avocat de France » comme Madame DATI avait dit à un congrès de notaires qu'elle était le « premier notaire de France »... avant de devenir avocate.
En bref, je rêve parfois d'un Gouvernement, d'un Parlement qui aimeraient les avocats et les respecteraient et les défendraient. Mais cela est impossible et le prix à payer - la soumission, la fin de l'indépendance - serait trop lourd. Alors tant pis, faute d'être aimé, faisons en sorte d'être craints...
Michel BENICHOU