Voici le rapport communiqué à nos élus, que je souhaiterais présenter à l'assemblée générale du Conseil National des Barreaux le 23 septembre prochain
RAPPORT SUR LA CENSURE DE LA BLOGOSPHERE DES AVOCATS
Par mails groupés en date des 10 février, 16 juin et 5 juillet 2011 envoyés par les membres de la Commission RPVA du Barreau du Val d'Oise, il a été demandé à l'assemblée générale du Conseil National des Barreaux d'évoquer le problème de la censure sur la blogosphère des avocats afin de défendre la liberté d'opinion et d'expression de l'avocat. (Pièce n°1)
L'absence de réponse du Conseil National des Barreaux est la raison d'être du présent rapport en vue de votre assemblée générale du 23 septembre prochain.
I. La censure constatée
La censure s'est manifestée à plusieurs reprises sur la blogosphère des avocats.
Elle se présente sous deux formes:
- L'une "technologique": activation d'un moteur de recherche
- L'autre "tranchante": suppression physique de l'article sur le blog de l'auteur.
La censure "technologique" est apparue en juillet 2010 sur la première page de la blogosphère des avocats, sur laquelle apparaît un bandeau général listant les articles des confrères par ordre chronologique de parution, seuls les trois derniers articles publiés apparaissent.
Le moteur de recherche litigieux sélectionne les articles publiés dont le titre contient les quatre lettres RPVA et leur interdit l'accès physique au bandeau général de la première page de la blogosphère des avocats, rendant ainsi invisible leur parution. (Pièce n°2)
L'activité du moteur de recherche a été constatée le 13 septembre 2011 par Maître Jean-Pierre TRISTANT, Huissier de Justice. (Pièce n°3)
La censure "tranchante" a commencé à la demande de Monsieur Jean VINEGLA, dirigeant de la société NAVISTA par courrier en date du 13 décembre 2010 adressé au Conseil National des Barreaux.
Aux termes de ce courrier, il était sollicité la suppression d'articles sur le blog de Bernard KUCHUKIAN, de Nicolas CREISSON et de Florence TERCERO.
Il était prétendu que ces articles "portent à la société NAVISTA et à son dirigeant (J.VINEGLA), un préjudice incontestable, son image se trouvant en effet entachée par des allégations dénigrantes voire insultantes aisément accessible via des moteurs de recherche type GOOGLE." (Pièce n°4)
Par courriel en date du 16 décembre 2010 provenant de blog@cnb.avocat.fr, nos confrères dénoncés par la société NAVISTA ont reçu en pièce jointe communication de la lettre de la plaignante et ont été informés que
" Conformément aux dispositions énoncées dans les conditions d'utilisation des blogs sur la plateforme www.avocats.fr, les articles susnommés ont été supprimés ce matin", soit après la suppression physique sur leur blog des articles mis en cause. (Pièce n°5)
Ce courriel est signé par "L'équipe de la blogosphère www.avocats.fr".
D'autres courriels provenant de blog@cnb.avocat.fr et signés par "L'équipe de la blogosphère www.avocats.fr" ont été reçus par nos confrères:
- Bernard KUCHUKIAN les 3 avril 2011 et 18 mai 2011 (Pièces n°6 et 7)
- Jacques JANSOLIN les 15 et 23 juin 2011 (Pièces n°8 et 9).
La particularité de ces courriels annonçant la suppression d'articles est que la lettre de la plaignante n'était plus communiquée aux confrères mis en cause.
Enfin le 15 juin 2011, nos confrères Bernard KUCHUKIAN et Vincent BOURLIER ont chacun reçu un courriel provenant de NBenichi@newbbdo.fr, signé par "L'équipe de la blogosphère www.avocats.fr" les informant de la suppression d'article sur leur blog. (Pièces n°10 et 11)
La lettre de la plaignante ne leur a pas non plus été communiquée.
II. Sur l'atteinte répétée à la liberté d'opinion et d'expression de
confrères
A titre préliminaire, il sera rappelé le regard du Conseil Constitutionnel sur la liberté d'opinion et d'expression d'une personne humaine:
" Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789: " La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme: tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi"; que la liberté d'expression et de communication est d'autant plus précieuse que son exercice est une condition de la démocratie et l'une des garanties du respect des autres droits et libertés; que les atteintes portées à l'exercice de cette liberté doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l'objectif poursuivi."
(Décision n°2011-131 QPC du 20 mai 2011, Mme Térésa C. et autres- Exception de vérité des faits diffamatoires de plus de dix ans)
La liberté de la communication en ligne est régie strictement par les dispositions de la loi n°2204-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique qui dispose notamment qu'un hébergeur à l'obligation de retirer des informations litigieuses lorsque sont réunies les conditions cumulatives suivantes:
- l'hébergeur doit recevoir une notification datée contenant les éléments d'identification du notifiant et du destinataire, la description des faits litigieux et leur localisation précise, les motifs pour lesquels le contenu doit être retiré, comprenant la mention des dispositions légales et des justifications de faits,
- à la notification doit être jointe la copie de la correspondance adressée à l'auteur ou à l'éditeur des informations litigieuses demandant leur retrait ou leur modification, ou la justification de ce que l'auteur ou l'éditeur n'a pu être contacté.
En vertu de la décision n°2004-496 rendue le 10 juin 2010 par le Conseil Constitutionnel, l'information litigieuse doit présenter un caractère manifestement illicite tel l'apologie des crimes contre l'humanité, l'incitation à la haine raciale, la pornographie enfantine, l'incitation à la violence ou les atteintes à la dignité humaine.
En l'espèce, outre le non-respect des dispositions de la loi dite LCEN, les articles supprimés sur la blogosphère des avocats ne présentent pas le caractère manifestement illicite exigé par le Conseil Constitutionnel. (Pièces n°12 et 13)
CONCLUSION
Je finirai en vous confiant la pensée libre et courageuse de deux confrères qui ont accepté de vous offrir leur témoignage écrit:
"Il y a une atteinte organisée de la liberté d'expression sur la blogosphère des avocats dès qu'il s'agit de critiquer le système mis en place et simplement de reprendre les termes du rapport HATTAB par exemple." (Jean de VALON, Pièce n°2)
" La création par le CNB de cette plateforme de Blogs était un magnifique cadeau à la profession. Cependant il ne s'agit plus d'un espace de liberté puisqu'il est interdit de faire état de certaines opinions." (Nicolas CREISSON, Pièce n°14)
La censure sur la blogosphère des avocats est manifestement une atteinte répétée à la liberté d'opinion et d'expression de confrères qui met dangereusement en cause la dignité et l'identité de l'avocat.
Pontoise, le 22 septembre 2011
Nathalie KERDREBEZ
Responsable des commissions RPVA et Relations avec le CNB
Du Barreau du Val d'Oise