Hier, le rapport DARROIS a imaginé une nouvelle gouvernance pour la profession d'avocat : modernisation du CNB, création des Conseils de Barreaux de Cour d'Appel, limitation des fonctions des Ordres aux tâches administratives.
Aujourd'hui, le CNB réfléchit et a commencé à émettre des idées dans un rapport du 18 juin 2010, en invitant le Barreau à participer à la réflexion.
Dès l'introduction jusqu'à la conclusion, une petite contrariété apparaît et ne disparaîtra jamais: les propositions émises sont respectueuses des préconisations du rapport DARROIS.
L'histoire des Ordres est présentée de façon négative, en rappelant que leur organisation a été imposée par Napoléon dont l'objectif était de contrôler les avocats.
Ce constat historique est vrai, mais il suggère au lecteur la nécessité de réformer les Ordres pour conquérir notre liberté.
Pour rendre incontournable cette idée, il est affirmé sans démonstration l'affaiblissement des Ordres, dont la condamnation répétée s'impose au lecteur comme vérité.
Pourtant, la légitimité des Ordres est incontestable dans l'esprit des confrères, des partenaires institutionnels et des usagers du droit.
La proximité est irremplaçable dans les relations humaines, même à l'ère des nouvelles technologies.
Le rapporteur poursuit sa réflexion dans le respect du rapport DARROIS et propose les Conseils de Barreaux qui auraient les prérogatives actuelles les plus intéressantes des Ordres.
Une nouvelle fois, aucune démonstration n'est développée pour justifier la création d'un échelon intermédiaire de représentation dont le fonctionnement sera une charge financière supplémentaire pour la profession.
Sans raison expliquée, les Conseils de Barreaux seraient composés en partie de membres de droit, dont la légitimité ne sera jamais la même qu'un élu au suffrage universel.
Mais la réflexion va plus loin et révèle une conception très singulière de la démocratie : pour asseoir la légitimité des Conseils de Barreaux, les confrères qui oseraient ne pas voter encouraient une sanction financière.
Ensuite, il est affirmé la nécessité de maintenir le CNB, comme représentant national, mais en lui confiant de nouvelles compétence, notamment celle de « déterminer les choix technologiques de la profession ».
Le lecteur qui connaît l'affaire NAVISTA ne pourra s'empêcher de sourire.
Enfin, le rapporteur considère que le souci d'hier de défendre la liberté et l'indépendance de l'avocat est devenu inadapté à l'évolution de la société marquée par le désengagement de l'Etat et l'hégémonie du marché
Il conclut que le souci d'aujourd'hui des avocats étant leur survie économique doit guider notre réflexion sur la gouvernance.
Avec inquiétude, je me demande si nous aurons un jour l'idée de bannir le petit mot « gouvernance », si nous aurons un jour l'ambition d'offrir à la profession une représentation nationale digne de l'avocat dont le rôle est par essence démocratique dans un Etat de droit...
Un « gros mot » me vient à l'esprit, une pensée audacieuse le précède :
« Les avocats ne sont plus consultés, plus entendus et subissent mépris et humiliation.
Chaque jour apporte un projet, une réforme qui diminue ou anéantit notre rôle de conseil ou de défenseur auprès des citoyens et résidents de ce pays...
Nous subissons toujours la pression de l'Etat comme puissance publique, voulant restreindre nos possibilités d'actions et d'expression. Et nous sommes devenus des acteurs d'un marché qui veut nous asservir, nous déréglementer et faire de nous des marchands de droit.
Comment résister à de telles puissances si nous ne sommes pas organisés de telle sorte à faire entendre, haut et fort, notre voix, une voix unique ? » (Plaidoyer pour un Ordre national des avocats par Michel BENICHOU- GP du 16 au 18/03/2008)