Lors de son assemblée générale extraordinaire du 31 janvier 2011, le Barreau du Val d'Oise a rappelé qu'il est favorable à la dématérialisation des procédures par le développement de la communication électronique, digne de l'ère des Nouvelles Technologies, respectueuse de ses droits et de sa déontologie.
Ainsi, il a été décidé de poursuivre l'action menée pour bénéficier d'un système de connexion à la plate-forme e-barreau qui soit nomade, mutualisé, appartenant et géré par la Profession.
I. La réglementation et les pratiques locales
L'année 2010 a été particulièrement marquée par une campagne d'information sur l'urgence à adhérer au RPVA.
L'urgence étant une notion par nature subjective, il est important d'examiner la réglementation relative à la communication électronique en vigueur et les pratiques locales issues des conventions régularisées entre une juridiction et un barreau.
A. La communication électronique en droit
Le Décret du 9/12/2009 n°2009-1524, relatif à la procédure avec représentation obligatoire en matière civile a créé l'article 930-1 CPC qui dispose « à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique».
Les alinéa 5 et 6 dudit article précisent que l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions est le 1er janvier 2011 pour les déclarations d'appel et les constitutions d'avoués, et au plus tard le 1er janvier 2013 pour les autres actes.
En fait, l'application de l'article 930-1 CPC a été reportée au 31 mars 2011, sous réserves d'un nouveau report.
En effet, depuis un arrêté du 23/12/2010 relatif à la communication par voie électronique dans les procédures avec représentation obligatoire devant les cours d'appel, une question sérieuse se pose au sujet de la mise en place effective de la communication électronique dans toutes nos juridictions d'appel.
L'article 1er de l'arrêté susvisé laisse perplexe :
« lorsqu'ils sont effectués par voie électronique entre un avoué et les cours d'appel, dans le cadre d'une procédure avec représentation obligatoire, les échanges doivent répondre aux garanties fixées par le présent arrêté.
Les cours d'appel concernées par les dispositions du présent arrêté sont les cours d'Agen, Aix, Amiens, Angers, Montpellier, Orléans, Paris, Pau, Rennes, Toulouse et Versailles. »
Sur une trentaine de cours d'appel, 11 seulement sont concernées actuellement par la dématérialisation des procédures avec représentation obligatoire.
L'article 930-1 CPC qui a vocation à s'appliquer sur l'ensemble du territoire français, entrera-t-il en vigueur au 31/03/2011 ?
En tout état de cause, la date du 31 mars 2011 n'est pas une échéance pour le Barreau dans la mesure où la loi supprimant la profession d'avoué sera effective le 1er janvier 2012. (Conseil Constitutionnel, décision n°2010-624 du 20/01/2011)
La date à ne perdre de vue sous aucun prétexte est bien le 1er janvier 2012, qui sera également le 1er jour du nouvel article 18 de la loi du 31 décembre 1971 donnant expressément compétence aux Ordres d'Avocats pour mettre en oeuvre la communication électronique.
Pour la petite histoire, il s'agirait juste d'une rédaction modernisée de l'article 18 et non d'un transfert de compétence selon l'analyse du CNB dans son rapport d'étape sur la gouvernance des 18 et 19 juin 2010 qui proposait au titre des nouvelles compétences du Conseil National celle de déterminer les choix technologiques de la profession.
B. La communication électronique en fait
Le Barreau du Val d'Oise a signé des conventions avec ses juridictions de première instance et d'appel, qui prévoient les modalités de mise en oeuvre de la communication électronique pour les abonnés au RPVA, sans rendre obligatoire le recours à la dématérialisation des procédures.
Dans les autres Barreaux, il est difficile d'apprécier la situation de fait, les conventions régularisées entre une juridiction et un barreau ne sont pas diffusées.
Une petite anecdote, en décembre 2010, le Barreau du Val d'Oise a été avisé par erreur qu'à compter du 1er mars 2011, il ne sera plus possible de prendre une date de référé auprès du TGI de Nanterre par télécopie, mais uniquement par le RPVA.
La situation devenait kafkaïenne, dans la mesure où les barreaux hors zone de multipostulation n'ont accès par le RPVA qu'à leur TGI et leur Cour d'Appel ; ainsi une postulation de fait aurait été imposée pour les procédures sans postulation obligatoire de droit.
Aussi, cette anecdote permet de ne pas oublier les fondamentaux de la procédure civile ni le regard intransigeant de la Cour de Cassation sur les conventions signées entre un barreau et une juridiction qui dérogeraient aux règles posées par le Code de procédure civile (Cass, 2ème civ, 23 septembre 2010, n°09-14.864)
Un petit rappel, les juridictions administratives ont opté pour une dématérialisation des procédures via le télé-recours, système de connexion par Internet avec utilisation d'un code d'accès.
Enfin, la formation de départage du CPH de Nanterre a mis en place une mise en état via une boîte courriel fonctionnelle : departage.cph-nanterre@justice.fr.
II. La mise en oeuvre de la communication électronique par le CNB
Pour comprendre le présent et construire l'avenir, il faut connaître le passé.
A. Le principe du RPVA
En 2005, après des appels d'offre, le CNB a confié la conception de la plate-forme e-barreau à THALES, les clés d'authentification à CERTEUROPE et le RPVA, dont le principe a été adopté par l'assemblée générale, à France TELECOM.
Les contrats ont été conclu sans surprise entre le CNB et les différents prestataires.
B. L'affaire NAVISTA
Une association CNB.COM composée de trois membres, le président, le trésorier et le secrétaire du CNB a vu ses statuts modifiés le 18 octobre 2006.
L'association CNB.COM a conclu avec une société NAVISTA un contrat le 10 octobre 2007, accordant le monopole du développement du RPVA pour une durée de 5 ans, avec une clause dérogatoire pour le Barreau de Paris (article 3).
Le même jour, le CNB a signé une convention se portant fort des engagements de l'association CNB.COM envers la société NAVISTA.
Petit lexique :
- Le CNB est un établissement d'utilité publique doté de la personnalité morale (article 21-1 Loi 31 déc.1971)
- L'association CNB.COM est une personne morale de droit privé
III. L'effet « papillon » marseillais
En 2009, le Barreau de Marseille s'est intéressé à la communication électronique et a imaginé un système mutualisé et nomade.
A. La défense du nomadisme
Suivant un communiqué commun du 16 novembre 2009, il a été convenu entre le Président du CNB et le Bâtonnier de Marseille « de poursuivre leurs efforts communs pour parvenir très rapidement à une connexion à la plate-forme e-barreau la mieux adaptée aux plans technique et économique qui permettra aux avocats de l'ensemble des Barreaux l'accès le plus confortable et le plus avantageux possible.
Pour répondre au souhait exprimé par le Barreau de Marseille, le Président WICKERS a proposé que Marseille devienne région pilote pour l'expérimentation du nomadisme. »
Courant décembre 2009, le système mutualisé et nomade était opérationnel a été testé avec succès par deux cabinets du Barreau du Val d'Oise qui a décidé de s' y abonner.
Par courriel du 18/01/2010, le CNB a annoncé une baisse du coût d'abonnement, le coût de location du boîtier Navista étant ramené à 25 euros par mois au lieu de 48 euros par mois.
Le Président de la Conférence des Bâtonniers décide en mars 2010 de confier un audit à Monsieur HATTAB, la question étant de savoir s'il est possible pour les Barreaux de province d'utiliser d'autres solutions que celle du CNB.
B. Le rapport HATTAB et ses suites
Dans son rapport du 9 juin 2010, Monsieur HATTAB met en lumière quatre problèmes majeurs :
- le monopole accordé à Navista et l'absence de maîtrise contractuelle par le CNB (pages 8, 25, 39, 40 et 41)
- les carences de certification et de sécurité du système Navista (pages 9, 15, 44, 48 et 62)
- le risque réel d'intrusion de Navista via le boîtier dans le réseau informatique d'un cabinet d'avocat (page 26), posant une difficulté délicate quant au respect du secret professionnel
- l'absence d'un commencement de projet pour les nouveaux services annoncés (pages 21, 22, 23, 39, 44 et 48)
Monsieur HATTAB conclut comme suit :
« La question de la possibilité pour les barreaux de province d'utiliser d'autres solutions que celle du CNB est à l'origine de cet audit.
Nous ne pouvons pas faire de préconisations dans la mesure où les enjeux dépassent largement la question technique.
Sur un plan purement technique et si les objectifs politiques devaient évoluer, il nous semble que les solutions parisiennes et marseillaises ne montrent pas de carences qui les empêcheraient d'être ouvertes plus largement.
La solution marseillaise est plus à voir comme une démonstration de capacité et si elle était étendue doit être reprise à sa charge par le CNB.
Finalement, l'état du système tant sur le plan de la sécurité que sur celui de la conduite du projet RPVA, nous semble justifier que dans le cadre d'une remise à plat, soient développés les aspects sécurité, organisation et lien avec les prestataires informatiques. »
Le 16 juin 2010, le CNB a signé avec la Chancellerie une convention relative à la dématérialisation des procédures devant les juridictions civiles prévoyant pour la première fois l'obligation pour les Barreaux de province d'utiliser le système Navista pour se raccorder à e-barreau et le statut dérogatoire accordé au Barreau de Paris.
Cette convention fut signée avant que le CNB ne se prononcé sur les suites à donner au rapport HATTAB lors de son assemblée générale des 18 et 19 juin 2010.
Des actions sont en cours devant l'Autorité de la Concurrence, le Conseil d'Etat et la Commission Européenne.
IV. La position actuelle du CNB
Depuis le rapport HATTAB, le CNB a annoncé la déclinaison de celui-ci qui demeure très mystérieuse à ce jour.
A. L'information timide sur les aspects techniques
Lors de son assemblée générale des 11 et 12 février 2011, un rapport d'information sur le RPVA a été présenté :
- Etat du déploiement : au 1er février 2011, 5.414 cabinets raccordés, 10.682 clés délivrées, 17.000 avocats connectés à e-barreau.
- Nouveaux services : communication électronique avec les juridictions civiles, les tribunaux de commerce et les juridictions administratives travail collaboratif, acte d'avocat, définition du référentiel de sécurité informatique (une exigence déontologique)
- La maîtrise contractuelle de la solution VPN
Il est regrettable que le CNB n'est pas crû devoir répondre aux problèmes techniques et juridiques posés par Monsieur HATTAB depuis plus de six mois.
B. L'information pudique sur les aspects financiers
Par courriel du 9 décembre 2010, le CNB a annoncé une forte progression du RPVA justifiant une nouvelle baisse tarifaire, le coût du boîtier Navista a été ramené à 19 euros par mois au lieu de 25 € par mois.
Cette baisse tarifaire est apparente, mais est-elle transparente ?
Le 18 janvier 2010, le coût du boîtier Navista avait été ramené à 25 euros par mois.
Cette diminution a été suivie d'une augmentation de 1 € par mois par avocat des cotisations du CNB lors de l'assemblée générale des 5 et 6 février 2010.
Outre cette augmentation, il a été rappelé à l'assemblée que la diminution effective du coût du boîtier Navista facturé à l'association CNB.COM interviendra en trois temps :
- 40 euros au 1er janvier 2010
- 35 euros au 1er avril 2010
- 30 euros au 1er octobre 2010
Aujourd'hui, le CNB reste taisant sur le coût du boîtier Navista facturé à l'association CNB.COM.
En l'absence d'éléments nouveaux évoqués à son assemblée générale, il semblerait que le boîtier soit facturé 30 euros par mois depuis le 1er octobre 2010.
La question est de savoir qui paie la différence de facturation.
Lors de l'assemblée générale des 11 et 12 février 2011, le budget du CNB et de l'association CNB.COM a été présenté, mais la question précédente demeure sans réponse.
Le CNB verse à l'association CNB.COM les sommes suivantes :
- 2.365.322 euros soit 55 euros par avocat au titre de la communication institutionnelle
- 1.312.280 euros pour le développement de la plate-forme e-barreau
- 83.612 euros pour les actions lobbying
Au budget de CNB.COM apparaissent également les postes suivants :
- Agence de communication : 1.672.241 euros
- TV Droit : 593.652 euros
- Provisions pour dépréciation des cotisations communication : 70.960 euros
Une petite omission sur les postes suivants :
- 5.414 boîtier à 19 euros par mois : 1.234.392 euros
- 17.000 clés à 7 euros par mois : 1.428.000 euros
Soit 2.662.392 euros assujetti à la TVA, qui n'apparaissent pas dans le budget de CNB.COM.
Conclusion
Lors de son assemblée générale de février 2011, le CNB a eu l'opportunité de répondre à toutes les questions techniques, juridiques et financières relatives au RPVA.
A l'image des histoires d'amour malheureuses, l'un des protagonistes ne s'est pas présenté au rendez-vous.
Je pense à la confraternité qui était également absente lorsque la censure a frappé le blog de trois de nos confrères le 16 décembre 2010 à la demande de Navista.
Ne soyez pas surpris, aucune conclusion ne sera proposée, juste un espoir que le CNB écrive à l'encre de notre serment la fin de l'histoire.
Rapport sur la communication électronique du 21 mars 2011