La Cour administrative d'appel de NANTES, à l'occasion d'un contentieux fiscal intenté par l'organisme gestionnaire privé lucratif d'un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), a apporté un éclairage sur la qualification du contrat de séjour : il s'agit bien d'un contrat d'entreprise. Ce contrat ne donne pas au résident, client des prestations, un pouvoir exclusif sur sa chambre car l'établissement, par l'effet du règlement de fonctionnement, en conserve le contrôle.
Les faits
L'organisme gestionnaire, locataire des locaux de l'EHPAD, sollicite la réduction de ses cotisations de taxe professionnelle. Il, considère en effet que la valeur locative à prendre en compte dans l'assiette de cette taxe, au sens de l'article 1467 du Code général des impôts (CGI), doit s'apprécier déduction faite de la valeur locative des chambres mises à disposition des résidents dans le cadre du contrat de séjour.
La procédure
Au terme sans doute d'un désaccord avec l'administration fiscale, l'organisme gestionnaire saisit le Tribunal administratif mais ce dernier rend un jugement défavorable à ses intérêts. La société interjette alors appel.
La solution
La Cour constate que l'exploitation d'un EHPAD ne se limite pas à la délivrance de prestations d'hébergement mais comprend également la réalisation de services aux personnes accueillies. Tirant les conséquences de ce constat, le juge d'appel affirme que le contrat de séjour a le caractère d'une « convention de louage de services » c'est-à-dire, dans le langage du droit civil, d'un contrat de louage d'ouvrage ou contrat d'entreprise.
Mais la Cour poursuit son analyse pour souligner que le contrat de séjour ne peut se réduire à un contrat de bail. A cet effet, elle relève que si les résidents bénéficient d'une chambre, ils n'en ont pas la totale et libre disposition. En effet, le règlement de fonctionnement, dès lors qu'il permet à l'organisme gestionnaire de prendre des décisions sur l'affectation et l'utilisation des chambres, donne à ce dernier un pouvoir de contrôle (en l'espèce, le règlement prévoyait la possibilité, en cas d'absence temporaire d'un résident, d'accueillir une personne de passage).
Tirant les conséquences de ses constatations, la Cour juge que la valeur locative des chambres des résidents doit être réintégrée dans l'assiette de taxation.
L'intérêt de l'arrêt
Cet arrêt présente un intérêt théorique et pratique pour l'ensemble des organismes gestionnaires d'établissements et de services sociaux et médico-sociaux (ESSMS) qui sont soumis au régime du contrat de séjour.
Théorique d'abord dans la mesure où, confirmant l'analyse prospective de la doctrine formulée à la suite de la promulgation de la loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002, se trouve confirmée la qualification du contrat de séjour : il s'agit bien d'un contrat d'entreprise qui fait de l'usager un client. Sur ce point, l'effort de définition entrepris par le juge administratif est allé plus loin que celui du juge judiciaire qui, à ce jour, a essentiellement relevé que le contrat de séjour ne pouvait pas constituer un contrat de bail. Voilà donc également conforté le régime du contrat de séjour qui, dans ce contexte, relève nécessairement à la fois d'obligations de résultat (sécurité liée à l'hébergement et à la restauration ainsi qu'à l'emploi d'équipements techniques soumis à une réglementation de sécurité) et d'obligations de moyens (« coeur de métier » : prestations médico-psycho-sociales, éducatives et rééducatives mais aussi de surveillance ).
Pratique ensuite dans la mesure où se trouve affirmée l'importance du contrat de séjour. Explicitement, l'arrêt reconnaît en effet que les prévisions de ce document constituent un moyen de contrôle des chambres des personnes accueillies par l'organisme gestionnaire, ce qui paraît important dans la mesure où si ces chambres constituent un lieu de vie privatif, pour autant elles ne sauraient constituer un domicile dont l'occupant est le seul maître. Mais au-delà, l'arrêt reconnaît implicitement que les prévisions de ce même règlement ont une portée impérative qui, dans le contexte du droit privé, ne peut relever que du contrat, comme l'avait d'ailleurs déjà admis la jurisprudence du juge judiciaire. D'où la nécessité, pour les organismes gestionnaires, de veiller à la bonne articulation du règlement de fonctionnement et du contrat de séjour, non seulement en prévoyant au début du contrat que le règlement de fonctionnement a, de la commune intention des parties, une valeur contractuelle mais aussi en apportant à la rédaction de la clause de résiliation un soin particulier. Tout cela, bien sûr, en ayant organisé le processus d'admission de telle manière que la conservation, par le service administratif de l'ESSMS, d'un exemplaire du règlement de fonctionnement signé par l'usager - dans tous les cas, y compris lorsqu'a été délivré un document individuel de prise en charge (DIPC) - soit garantie dans le dossier médico-social de l'intéressé(e).
CAA Nantes, 27 octobre 2011, SARL La Vallée Bleue, n° 10NT02061