Le Conseil d'Etat a confirmé qu'en matière de police administrative des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS), une injonction est une décision administrative faisant grief dont l'illégalité ne peut que retentir sur la légalité de toutes les décisions subséquentes.
Les faits, la procédure et la solution
Au visa de l’article L. 313-14-1 du CASF, le préfet de département et le président du Conseil général enjoignent à une Association gestionnaire d’ESSMS de faire délibérer sous quinzaine son conseil d’administration en vue d’adopter le principe de l’abandon de ses activités au profit d’Associations repreneuses et d’acquiescer à l’embauche d’un directeur général de transition chargé d’accompagner ces transferts d’activité.
Devant le refus opposé, les autorités administratives placent l'intégralité des établissements et services concernés sous administration provisoire puis, quelques mois après, édictent des arrêtés de fermeture et de transfert, visant l’article L. 313-16, qui répartissent ces structures entre les divers repreneurs.
Pour défendre ses intérêts, l’association dessaisie est contrainte de contester la légalité de l’injonction, des arrêtés d’administration provisoire, des arrêtés de fermeture et de transfert ainsi que des arrêtés de dévolution d’actif.
Déboutée en première instance, l'Association obtient gain de cause en appel car le juge relève que l’injonction prononcée, qui constituait manifestement une décision faisant grief, n’était pas au nombre des mesures susceptibles d’être ordonnées en vertu de l’article L. 313-14-1 ; par voie de conséquence, la Cour administrative d’appel annule l’intégralité des autres décisions de police administrative contestées.
La collectivité départementale se pourvoit en cassation. Le Conseil d’Etat confirme l’annulation de l’injonction pour violation de la loi ainsi que tous ses actes subséquents. Toutefois, les juges du Palais Royal infirment l’un des arrêts d’appel en ce qu’il avait qualifié d’illégale une décision de police administrative prise au terme d’une procédure contradictoire non conforme à l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 : il fallait en effet, au-delà de la lettre de la loi, s’assurer que le vice de procédure invoqué avait été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou avait privé la requérante d'une garantie.
L'intérêt de l'arrêt
Cet arrêt fait écho à d’autres décisions déjà signalées sur ce blog, notamment en ce qui le consacre l’interprétation qui avait été développée d’abord par les juridictions du fond. Toute injonction, dès lors qu’elle est assortie de délais impératifs imposés et qu’elle entraîne une administration provisoire voire une fermeture en cas de méconnaissance, constitue une décision faisant grief et, partant, dont la légalité peut être contestée devant le juge de l’excès de pouvoir. Par ailleurs, par le jeu de poupées russes des motivations qui caractérise l’enchaînement causal des mesures de police administrative depuis l’injonction à la fermeture et la dévolution d’actifs, l’illégalité d’une décision antérieure ne peut qu'affecter nécessairement et irrémédiablement la légalité des décisions postérieures.
CE, 5 octobre 2015, Département du Val d’Oise c/ Association Le Colombier, n° 372468