Que le salarié inapte se trouve dans une situation délicate, nul ne songerait à le contester ; qu'il faille l'indemniser si l'employeur ne cherche pas loyalement à le reclasser, qui pourrait y être hostile.
Mais faut-il torturer la loi pour indemniser le salarié qui refuse un reclassement compatible avec les préconisations du médecin du travail ?
C'est la question qu'un arrêt rendu le 6 février 2008 par la Cour de Cassation oblige à poser.
Pour la Chambre Sociale, "dans l'hypothèse où le salarié conteste la compatibilité du poste auquel il est affecté avec les recommandations du médecin du travail, il appartient à l'employeur de solliciter à nouveau l'avis de ce dernier".(Soc. 6 fév. 2008 n° 06-44.413)
C'est déjà une obligation nouvelle de l'employeur que l'article L. 241-10-1 au visa duquel l'arrêt est rendu, ne prévoit pas ; mais qui songerait encore à s'en étonner ?
Mais le plus surprenant est à suivre : La Cour de Cassation censure la Cour d'Appel qui avait jugé fondé le licenciement pour insubordination car l'employeur "justifiait de la compatibilité des postes proposés avec les restrictions émises par le médecin du travail".
Les juges d'appel avaient donc retenu que l'employeur faisait la preuve qu'il voulait reclasser le salarié dans un poste conforme à l'avis du médecin ; qu'importe, la Cour d'Appel ne pouvait, selon la Cour de Cassation, se livrer à cette analyse des faits.
Passons sur le refus du pouvoir judiciaire d'exercer son rôle, puisqu'il préfère le déléguer au médecin du travail. Regrettons le néanmoins.
Mais n'est-il pas choquant de sanctionner l'employeur qui cherche à reclasser et qui justifie que les postes proposés sont conformes à l'avis d'aptitude.
Et faut-il toujours, dans ce cas, indemniser le salarié qui refuse de rejoindre les emplois qu'on lui offre ?
Cet arrêt s'inscrit, pour moi, dans une dérive injuste et navrante de la jurisprudence sociale.
Que faut-il en conclure ? Comme il est singulier de voir dans le même arrêt la Cour de Cassation refuser de retenir l'interprétation des faits par les juges du fond et préférer à cette dernière un avis administratif.
Pourquoi faut-il que selon le but à atteindre, le pouvoir judiciaire s'abrite ou non derrière les opinions de l'administration ?
Alors, les juges seraient, je crois, bien inspirés de ne jamais accepter de délaisser leurs prérogatives à quiconque et d'appliquer toujours leurs droits dans le respect de la loi.
Et pour l'employeur dont on mesure probablement le degré d'incompréhension et de désarroi ?
Peut-être trouvera-t-il son salut devant la Cour de renvoi dans une nouvelle consultation du médecin du travail ; c'est tout le bien que je lui souhaite, mais le temps écoulé ne lui simplifiera pas la tâche.